Vous pouvez contribuer simplement à Wikibéral. Pour cela, demandez un compte à adminwiki@liberaux.org. N'hésitez pas !
Avortement
Définition
L'avortement se définit comme l'interruption avant son terme du processus de gestation, laquelle débute par la conception (fécondation d'un ovule par un spermatozoïde formant ainsi un oeuf, et qui conduit normalement à la naissance d'un nouvel individu de l'espèce). L'avortement existe pour toutes les espèces vivantes, nous ne nous intéressons ici qu'au cas de l'espèce humaine, et du point de vue du droit (plutôt que de celui de l'éthique), en particulier quant à l'opportunité de la pénalisation de l'interruption volontaire de grossesse (terme consacré désignant l'avortement volontaire). Dans cet article, le terme d'avortement désigne en fait l'IVG.
Les points de vue libéraux
Les libéraux aussi bien que les libertariens n'ont pas une position unanime concernant l'avortement.
Une partie des libéraux et des libertariens considèrent qu'un tel acte relève de la sphère privée (ce qui fut l'argument central aux Etats-Unis de la décision Roe vs Wade) et défendent l'avortement, considérant soit que l’embryon n'est pas un être humain, soit que, même humain au sens biologique du terme, il n’est pas une "personne" au sens juridique du terme. D'autres libéraux et libertariens s'opposent à l'avortement, estimant que le droit à la vie est un droit inaliénable, y compris pour le foetus ou l'embryon.
La plupart s'accordent en revanche pour affirmer que l'Etat n'a pas à subventionner la pratique d'un tel acte.
Rares sont les théoriciens libéraux qui se sont exprimés sur le sujet. Murray Rothbard, dans l'Éthique de la Liberté, considère comme conforme au droit naturel l'avortement à tout moment de la grossesse, au nom d'un droit de la femme sur son propre corps et de l’inaliénabilité de la volonté (même si elle est volontaire, la conception n'est pas un engagement comparable à un contrat). La naissance serait la ligne de démarcation à partir de laquelle le bébé, tout en restant confié à la garde de ses parents jusqu'à ce qu'il devienne adulte et autonome, deviendrait "un être séparé et un adulte en puissance ; comme tel, il serait titulaire du droit de propriété de soi".
Ayn Rand affirme de la même façon que seul un être "réel" peut avoir des droits, non un être "potentiel" : un enfant ne pourrait donc acquérir de droits avant d'être né.
L'argument des anti-avortement est que l'embryon (ou le foetus) est un être humain et donc - selon le droit naturel mais également selon le principe général du droit "Infans conceptus pro nato habetur quoties de commodis ejus agitur" ("L’enfant simplement conçu est tenu pour né, chaque fois qu’il y va de ses intérêts") - jouirait de droits, et avant tout du droit à la vie : l'avortement serait donc toujours un meurtre, même dans le cas d'une grossesse non désirée, d'un viol ou d'un inceste.
Walter Block adopte une position libertarienne intermédiaire, l'évictionnisme ([1]) : le foetus non désiré serait considéré comme un intrus et devrait être traité comme tel par la mère, propriétaire de son propre corps, mais en adoptant la manière la moins violente possible. L'éviction du foetus, dans l'état actuel de la science, entraîne sa mort, mais les progrès de la technologie pourraient un jour rendre possible sa survie (et des familles en quête d'enfant pourraient adopter le futur bébé).
Bertrand Lemennicier aboutit à une conclusion semblable en raisonnant en termes de droits de propriété, avec comme axiome ou prémisse de départ la propriété de soi-même. Il y aurait conflit de droit de propriété entre le fœtus et la mère ; ce conflit se résoudrait très simplement par la règle du premier occupant. La femme serait par nature la première occupante de son corps, elle ne pourrait être contrainte de conserver dans son corps ni d'élever un être qu'elle jugerait comme indésirable. Le problème moral ne serait pas l'expulsion du fœtus en soi, mais le fait que l'expulsion entraîne la mort. Pour Lemennicier, qui milite également pour un marché de l'adoption libre, il n'y a pas besoin de loi pour ou contre l'avortement. Il faut tenir compte du dommage causé à la mère :
- Comme pour le locataire, l'expulsion devrait être ordonnée par un juge ou par une procédure d'arbitrage, la demande n'étant recevable que si l'on peut prouver qu'il y a un dommage réel et tangible à la fois pour la mère et l'enfant à naître. Dans tous les autres cas, l'abandon ou la vente des droits de garde à une autre famille s'imposerait. (Bertrand Lemennicier, La morale face à l'économie, 2005)
Les partis libertariens, tels le Libertarian Party aux Etats-Unis, reconnaissant la forte charge d'émotion qui est portée sur le sujet et les positions retranchées des uns et des autres, ont choisi par prudence d'adopter une attitude neutre, ce qui évidemment ne satisfait ni les uns ni les autres.
Certains libertariens affirment qu'une telle question est d'ordre philosophique ou religieux, et ne doit pas (et ne peut pas) être résolue de façon politique ; il est vraisemblable que sur cette base, dans une société anarcho-capitaliste libérée du droit positif, chacun s'en tiendrait à ses convictions sans chercher à les imposer aux autres.
Les questions de fond
Il s'agit de questions auxquelles un débat sur l'avortement mène le plus souvent, et qui divisent les libéraux.
- A partir de quand est-on un être humain, ou tout du moins un "être juridique" jouissant de droits, notamment du droit à la vie ? On sait que le droit positif (la législation sur l'avortement) varie beaucoup sur ce point d'un pays à l'autre. Il y a un écart important entre la position des anti-avortement, pour qui on est un être humain dès la conception, et les positions pro-avortement (par exemple rothbardiennes ou randiennes) pour lesquelles on n'est un être jouissant de droits qu'à la naissance.
- L'avortement est-il exclusivement une affaire privée ou doit-il être pénalisé ? Cette question est problématique dans une perspective libertarienne, où le droit public et le droit pénal (qui fait partie du droit public) n'existent plus, et où l'on ne peut aller en justice que pour réclamer réparation d'un tort qu'on a soi-même subi : de quel droit quelqu'un d'étranger à l'affaire peut-il réclamer la pénalisation d'un avortement si la famille est consentante ? Et si pénalisation il y a, quelle peine doit-être infligée ? Doit-on appliquer la même peine que pour un homicide comme le suggèrent les arguments anti-avortement ?
Liens externes (en)
- Roe v. Wade, sur l'anticonstitutionnalité de l'interdiction de l'avortement aux Etats-Unis
- Libertarians for Life (libertariens anti-avortement)
- Pro-Choice Libertarians (libertariens pro-avortement)
- Abortion as seen by the Kant-Friesian School
- Abortion sur Libertarian wiki
- Echange entre le père James A. Sadowski et Murray N. Rothbard sur l'avortement
Liens externes (fr)
- "Les droits de l’embryon (fœtus) humain et la notion de personne humaine potentielle"
- Collectif, "Le droit à l'avortement est-il fondé d'un point de vue libéral ?", Le Québécois Libre n°132, nov. 2003.
- Marc Grunert, "Avortement", La Page libérale, août 2005.
- Erwan Quéinnec, "Et si l'avortement était une liberté ?", Le Québécois Libre, sept. 2005
- Bertrand Lemennicier, "L'avortement, un permis de tuer ?"
![]() |
Accédez d'un seul coup d’œil au portail sur les sujets de société. |