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Croyances des Azande

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Les Azande, un peuple du Soudan au début du 20e siècle, croyaient que presque tous les malheurs et décès étaient causés par la sorcellerie. Selon eux, la jalousie et la malveillance d'une sorcière pouvaient infliger de la malchance, des blessures ou la mort sans que la sorcière ait besoin de lancer un sort ou même de savoir qu'elle était une sorcière. Cette croyance offrait une explication sociale aux malheurs, permettant de désigner et punir un responsable pour les événements néfastes. C'est ainsi qu'avec l'aide de l'anthropologie, nous pouvons mieux éclairer nos maux modernes.

Les explications magiques des malheurs

La fascinante société des Azande, un peuple situé dans les contrées lointaines du Soudan. Dans cette société, chaque malheur, chaque accident tragique, était attribué non pas aux caprices de la nature ou aux faiblesses humaines, mais à une force obscure et redoutée : la sorcellerie.

Il était de coutume parmi les Azande de croire fermement que les malheurs et les décès n'étaient jamais de simples coïncidences. Lorsqu’un homme succombait sous l’effondrement d’un bâtiment, ou qu’une femme était frappée par une maladie mystérieuse, on n’incriminait ni l’architecture déficiente ni les germes invisibles, mais plutôt les sombres machinations d’un sorcier envieux.

Ce peuple, animé par une profonde croyance en l'invisible, voyait dans chaque événement tragique la main cachée d’une jalousie dévorante et d’intentions malveillantes. Le sorcier, dans leur conception, n’avait point besoin de formuler des incantations ou de concocter des philtres. Non, il suffisait de sa malveillance innée, une sorte de poison spirituel, pour que le malheur s’abatte sur l’innocent.

Ces croyances façonnaient le tissu social des Azande. La sorcellerie n'était pas seulement une explication, mais un pivot autour duquel tournait toute leur existence. Lorsque des termites affaiblissaient les fondations d'une demeure et que celle-ci s'écroulait sur un malheureux, l'Azande n'y voyait pas seulement une série de causes naturelles. Il se demandait pourquoi ce dénouement tragique s’était produit en ce moment précis, sur cette victime particulière. Et la réponse, invariablement, résidait dans la découverte d’un sorcier dont la jalousie ou la haine avait invoqué ce désastre.

Ainsi, la sorcellerie fournissait une trame explicative à la fois simple et terriblement efficace. Chaque événement déplorable trouvait une raison d'être dans la malveillance humaine, transformant chaque malheur en une quête de justice. Le sorcier, une fois identifié, devenait le bouc émissaire de la société, et par son châtiment, les Azande espéraient restaurer un ordre troublé.

Dans cette danse macabre entre la superstition et la vengeance, les Azande trouvaient une manière de donner sens à l'insensé, de structurer le chaos apparent de l'existence. Et c’est ainsi que, à travers le prisme de la sorcellerie, ils lisaient les signes de leur monde et se réconciliaient, non avec la nature, mais avec la fatalité humaine.

Comparaison avec les croyances modernes

Transportons-nous maintenant de ces terres lointaines du Soudan jusqu’à notre propre monde moderne. Ne nous hâtons point de nous croire supérieurs en raison de notre technologie avancée et de notre science éclairée, car sous bien des aspects, nos esprits ne sont guère plus libérés de l’emprise des superstitions que ceux des Azande.

À chaque hausse des prix du pétrole, à chaque fluctuation du marché, que n’entend-on pas les cris indignés des commentateurs progressistes ? Dans leurs diatribes véhémentes, ils pointent du doigt les capitalistes, ces spéculateurs cupides qui, par leur insatiable avidité, seraient la cause première de tous nos maux économiques. Ne sont-ils pas, en quelque sorte, les sorciers de notre temps, accusés de manipuler les fils invisibles de notre destin collectif ?

Il semble que nous, modernes, partageons avec les Azande cette même propension à chercher des intentions malveillantes derrière chaque phénomène inexplicable ou fâcheux. Lorsque le coût de la vie augmente, lorsqu’une crise économique frappe, nous nous tournons instinctivement vers des boucs émissaires, attribuant nos souffrances aux manigances de quelques individus dévorés par la cupidité.

Est-ce là une marque de notre rationalité supérieure ? Pas particulièrement, cela révèle plutôt une tendance humaine universelle : celle de chercher des causes intentionnelles, des volontés malfaisantes, pour expliquer nos échecs et nos souffrances. L’idée que des forces impersonnelles, des mécanismes économiques complexes, puissent être à l’œuvre, nous est souvent insupportable. Nous voulons des coupables, des figures humaines que nous pouvons haïr et punir.

Il est fascinant de constater combien cette inclination est tenace. Malgré les avancées prodigieuses de la science, qui nous ont permis de comprendre le monde naturel de manière si détaillée et mécanique, nous peinons à appliquer la même rigueur à notre compréhension des phénomènes sociaux. Nous continuons de croire que derrière chaque événement, il y a une intention, bonne ou mauvaise, une volonté humaine qui tire les ficelles.

Ainsi, la sorcellerie des Azande et les accusations de cupidité chez nous ne sont que deux manifestations d’un même besoin humain de trouver des explications personnelles et intentionnelles à nos malheurs. Elles reflètent notre difficulté à accepter l’idée d’un ordre spontané, où les actions humaines, sans coordination consciente, produisent des résultats souvent incompréhensibles, mais non moins réels.

Et c’est dans cette quête incessante de coupables et de sorciers modernes que nous voyons, peut-être, le reflet le plus poignant de notre humanité commune, traversant les âges et les cultures, cherchant désespérément à donner un visage, fût-il sinistre, à l’inconnu et à l’inexplicable.