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Cimetière
Le mot cimetière provient du latin ecclésiastique "cimiterium", et du grec "koimêtêrion", signifiant lieu où l'on dort. Communément, le cimetière est un terrain où l'on enterre les morts. C'est un lieu où on peut reposer en paix. Parfois, les hasards ou les coïncidences font se voisiner des personnages illustres. Par exemple, Herbert Spencer est enterré dans le cimetière de Highgate, juste en face de la tombe de Karl Marx. A Paris, les cimetières ont vu emménager, dans leur dernière demeure physique, de nombreux libéraux comme Etienne Mantoux au cimetière du Père Lachaise ou Joseph Garnier au cimetière du Montparnasse...
Les cimetières sont-ils gérés par des hommes et des femmes publiques hors la loi ?
Les cimetières ou les sites cinéraires sont considérés, dans le Droit français, comme des espaces publics. Théoriquement, il ne peut y avoir de cimetière ou de site cinéraire privé. Le législateur a réaffirmé son attachement au caractère public des sites cinéraires, en créant une incrimination pénale spécifique à l'encontre de toute personne qui créerait un site cinéraire ouvert au public[1].
Le maire a une double responsabilité : une responsabilité pénale et une responsabilité civile. La responsabilité pénale du maire peut être engagée si le maire n’a pas utilisé ses pouvoirs de police de manière suffisamment efficace pour assurer la sécurité dans le cimetière. Il peut être poursuivi pour homicide et blessure involontaires[2]. La responsabilité civile du maire peut être engagée du fait de décisions illégales, en particulier lors de la réglementation du fonctionnement du cimetière, si la preuve d’un faute personnelle est rapportée[3].
Il est raisonnable de penser qu'une personne lambda cédant deux fois le même bien à deux personnes différentes serait accusée d'escroquerie et recevrait l’opprobre de la population. Lorsqu'on a affaire à un représentant de l'administration publique, les choses sont légèrement différentes[4]. Selon l’article L. 2213-8 du CGCT, le maire assure la police des cimetières. L’article R. 2223-4 précise que les fosses soient distantes les unes des autres de 30 à 40 cm sur les côtés, et de 30 à 50 cm à la tête et aux pieds. Combien de maires en France se conforment à la Loi ? Un rapide regard sur nos cimetières nous permet de constater le nombre de hors-la-loi. Les plaques de marbre ou de granit se juxtaposent les unes aux autres sans laisser le droit de servitude pour le passage entre les tombes. Outre le fait de ne pas respecter la loi, de nombreux maires négligent le droit de servitude et aggravent le danger des visiteurs et des professionnels funéraires qui doivent marcher sur des plaques de granit (quelquefois mouillées) adjacentes à la fosse béante et profonde lors de l'inhumation du cercueil d'un défunt au risque de leur santé ou de leur vie.
L'entretien du cimetière est à la charge du conseil municipal. Le magazine Challenge révélait en mars 2013[5], que les cimetières étaient le deuxième consommateur de pesticides (herbicides, fongicides et insecticides) derrière l'agriculture. Faits corollaires, les études médicales se multiplient sur les maladies (respiratoires, troubles neurologiques, cancers....) auxquelles sont exposés les agriculteurs. La gestion publique de l'environnement des cimetières mène à une impasse. Soit les communes laissent pousser les herbes sauvages, en négligeant le respect que toute société doit à ses morts, soit elle continue à déverser des produits phytosanitaires au mépris de la santé du public. Dans la plupart des cas, elles refusent l'intervention de ressources humaines externes afin de gérer le problème.
L’adoption de la loi du 14 novembre 1881 et de la loi du 28 décembre 1904 visaient à garantir la neutralité du cimetière. Or, les maires ont un pouvoir discrétionnaire de déterminer l'emplacement affecté à chaque tombe. Ainsi, de plus en plus de maires autorisent, soutiennent voire encouragent les regroupements de concessions confessionnelles. Ils donnent l'ordre de rassembler les sépultures de personnes partageant la même religion dans des carrés (espaces) concentrés. Cette pratique récente demeure douteuse sur le plan de la légalité selon le principe de neutralité des parties publiques du cimetière et sur le plan éthique. De quel droit, un maire pourrait vérifier la qualité confessionnelle du défunt et auprès de quelle autorité religieuse ou philosophique ?
Cette pratique vise honorablement à retenir le corps des défunts pour conserver la mémoire des défunts sur le territoire français. Et, les circulaires et les réponses du ministère de l’Intérieur sont favorables à cette nouvelle attitude des maires. Mais, dans la mesure où il existe un espace confessionnel, il revient à la famille ou, à défaut, à un proche de faire la demande expresse de l'inhumation du défunt dans cet espace. Or, comment les familles peuvent-elles savoir qu'un tel espace existe puisqu'il ne peut être nommé par l'administration publique sans être contraire à la neutralité philosophique et confessionnelle des défunts ? Ceci encourage les observateurs à discriminer les pierres tombales en fonction des signes et emblèmes se référant à une philosophie ou à une religion particulière. Tandis que les vivants évitent les ghettos de façon harmonieuse et intelligente, ceux-ci sont imposés aux morts par la gestion publique des cimetières.
Les concessions : une enclave privée dans le domaine public ?
Dans un cimetière, les tombes sont composées de trois éléments distincts :
- Le fonds, immeuble par nature, est propriété de la commune qui peut le concéder.
- Le caveau[6] et le monument funéraire (pierre tombale[7], stèle[8], semelle[9], parpaing[10], jardinière, prie-Dieu), également immeubles par nature, sont des constructions incorporées au fonds par le concessionnaire et qui lui appartiennent.
- Les signes et les emblèmes funéraires, (statues, croix, vases...), meubles par fonction mais immeubles par destination, sont la propriété du concessionnaire[11].
Le concessionnaire a le droit d'effectuer des plantations (fleurs, arbustes, arbres) sur sa concession[12] et même de clôturer celle-ci[13]. Mais le maire, dans sa fonction de police des cimetières, peut en limiter les abus. Il veille à ce que leur nombre ou leur croissance ne gêne ni l'accès aux sépultures environnantes, ni le cheminement du public dans les allées du cimetière.
Le mode de sépulture par concession a la grande faveur des particuliers. Mais les communes ne sont pas dans l'obligation d'en proposer aux demandeurs. La sépulture est un droit potentiel, dans certaines conditions, mais, non le droit à concession.
Les concessions funéraires obéissent à des règles spécifiques. La concession funéraire s'analyse en un droit réel immobilier de jouissance et d'usage avec affectation spéciale, placée hors du commerce. Les concessions n’entrent pas dans le partage successoral. Elles sont transmises sous forme d’indivision[14] entre les héritiers. Le legs et/ou la donation de concession obéissent à des règles qui bornent strictement les possibilités de transmission des concessions hors de la famille. Leur régime est dérogatoire aux grands principes du droit public mais n'appartient pas cependant au droit privé. La concession est un acte administratif, il s'agit d'un contrat d’occupation du domaine public. Ce contrat a la particularité de n'être ni précaire, ni révocable, régime qui s'applique habituellement aux occupations du domaine public[15]. Dans la mesure où le principe du respect dû aux morts et aux sépultures est maintenu, la mairie est libre de vendre un monument récupéré sur une concession arrivée à échéance ou abandonnée[16].
Les vendeurs d'une propriété privée sur laquelle se trouve une sépulture[17] ne peuvent être considérés comme ayant renoncé à leurs droits sur celle-ci. La sépulture, par son inaliénabilité, son incessibilité et son imprescriptibilité, se trouvent réservée de droit, ainsi que sa voie d'accès qui en est l'accessoire. Le nouveau propriétaire a une obligation d'entretien et de continuité d'une servitude de passage (pour se rendre sur le lieu de la sépulture).
Ces spécificités réglementaires génèrent malheureusement des situations très conflictuelles au sein des familles, plusieurs années, voire plusieurs dizaines d’années après le décès du titulaire de la concession. Chaque membre de la famille n'a pas le droit de changer l'état d'un monument de façon à en altérer le caractère sans prendre l'assentiment des autres, ni chercher à faire croire que la sépulture n'appartient plus à tous mais à un tel en particulier[18]. La réglementation publique impose que la concession obéisse à de faux critères définissant les biens publics, notamment celui avancé par Paul Samuelson, de la non-excluabilité. Or les corps, même morts, occupent un espace. Lorsque l’attribution de la dernière place d’un caveau est d'actualité dans une famille, les potentiels membres d'une famille peuvent se quereller sans qu'aucune solution administrative ne puisse apporter de solution paisible. De même, la volonté de procéder à des réunions de corps[19], voire à des exhumations pour transférer les corps des défunts dans une nouvelle sépulture, exige l'approbation de tous les héritiers, plus de l'autorité administrative (maire, préfet)[20].
Les responsables administratifs des communes sont confrontés à la problématique foncière des cimetières « hors les murs » qui sont rattrapés par l’urbanisation rapide. L'attribution d'une concession perpétuelle n'est pas un droit pour les familles, contrairement au droit à sépulture. La limitation de la durée des concessions imposée par la raréfaction des terrains, dans certaines communes, présente également une difficulté aux personnes de confession juive ou musulmane lorsqu'elles n'ont pas la possibilité de disposer d'une concession à durée indéterminée mais d'une durée fixée par l'administration communale (5, 10, 15, 30, 50 ans). En effet, selon certains cultes, la translation des corps est interdite. L'administration publique, alors, nie la liberté de culte.
Références
- ↑ article L. 2223-18-4 du CGCT : "Le fait de créer, de posséder, d'utiliser ou de gérer, à titre onéreux ou gratuit, tout lieu collectif, en dehors d'un cimetière public ou d'un lieu de dépôt ou de sépulture autorisé, destiné au dépôt temporaire ou définitif des urnes ou à la dispersion des cendres, en violation du présent code est puni d'une amende de 15 000 € par infraction. Ces dispositions ne sont pas applicables aux sites cinéraires créés avant le 31 juillet 2005"
- ↑ Lorsqu'un monument funéraire (appartenant à un concessionnaire) présente des signes importants de fragilité due à un mauvais entretien, et que le monument s’est écroulé en blessant une personne passant à proximité, le maire peut être poursuivi pénalement. Toutefois, la loi du 10 juillet 2000 exige une faute qualifiée, c'est à dire suffisamment grave pour que la responsabilité soit retenue.
- ↑ Par exemple, si le maire prend une mesure de police pour assouvir un désir de vengeance personnelle. En revanche, s’il s’agit d’une faute qui peut être rattachée au service (et non d’une faute personnelle), la commune prendra en charge la responsabilité civile du maire
- ↑ [1] Une Commune ne peut céder deux fois un même espace
- ↑ "Pourquoi les cimetières consomment énormément de... pesticides ?", Challenge, mars, 2013
- ↑ Un caveau funéraire constitue un "ouvrage" au sens de l'article 1792 du code civil et par conséquent bénéficie de la garantie décennale (Arrêt de la cour de cassation du 17 décembre 2003). La société commerciale ou le constructeur doit avoir souscrit une assurance en responsabilité (art. L.241-1 à L.243-8 du Code des Assurances). Avant cette date, la notion d'ouvrage au sens de la garantie décennale ne s'appliquait pas pour un monument funéraire (Bordeaux, 25 mars 1991 : JCP 92, IV, 1041). La responsabilité décennale pour les malfaçons graves prend fin 10 ans après la réception des travaux (art. 1792 du code civil). Faute de réception, ce délai de 10 années court seulement à compter de la manifestation des dommages (Arrêt de la cour de cassation du 24 mai 2006).
- ↑ Horizontale, la tombale peut avoir différentes longueurs selon que le monument comprenne ou non une stèle, un prie-dieu ou une jardinière. On parle alors de tombale longue ou de tombale courte. La tombale doit comporter une "pente" afin d'éviter la stagnation de l'eau. Cette pente est généralement de 2 cm. Les épaisseurs de la tombale varient de 5 cm / 7 cm, à 8 cm / 10 cm ou plus (la première valeur est l'épaisseur proximale, la deuxième l'épaisseur distale).
- ↑ Disposée verticalement à la tête du monument, la stèle accueille les gravures ou la pose de lettres et de chiffres en relief. Son épaisseur est généralement de 10, 12 ou 14 centimètres.
- ↑ La semelle est un cadre en ciment (appelé aussi granito) ou en granit qui supporte le monument.
- ↑ Les parpaings (soubassement) sont situés entre la semelle et la tombale. La hauteur des parpaings est variable : 15, 18, 20 centimètres ou plus.
- ↑ Toutefois, la mairie peut vendre un monument récupéré sur une concession arrivée à échéance ou abandonnée (circulaire 93-28 du 28/01/1993). Cette liberté a pour limite le principe du respect dû aux morts et aux sépultures.
- ↑ arrêt du Conseil d'Etat, 23 décembre 1921, Auvray-Rocher
- ↑ Arrêt du Conseil d'Etat, 1er juillet 1925, Bernon
- ↑ Chaque membre de la famille n'a pas le droit de changer l'état d'un monument de façon à en altérer le caractère sans prendre l'assentiment des autres, ni de chercher à faire croire que la sépulture n'appartient plus à tous mais à un tel en particulier (Cour de Bordeaux en date du 27/02/1882).
- ↑ (C.E., 21 octobre 1955, Mlle Méline, Rec p. 4)
- ↑ circulaire 93-28 du 28/01/1993
- ↑ Cassation civile du 11/04/1938. DH 1938 p. 321)
- ↑ Cour de Bordeaux en date du 27/02/1882
- ↑ Opération qui consiste à réunir les restes de plusieurs défunts dans une boîte à ossements, pour permettre de nouvelles inhumations dans un caveau
- ↑ De façon générale, en cas de conflit familial lié à des funérailles, le maire doit renvoyer les personnes devant le juge d’instance, qui doit trancher le litige dans les vingt-quatre heures