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Électeur médian
L'électeur médian est appelé ainsi parce que, lors d'une élection, ses choix politiques correspondent à la médiane mathématique : il y a autant d'électeurs de part et d'autre de cet électeur médian qui auront des choix opposés (plus à droite ou plus à gauche que lui). Le plus souvent, les gens votent non par conviction, mais par défaut, pour le moins pire des candidats.
Théorème de l’électeur médian
L'École du Choix Public énonce ainsi le théorème de l’électeur médian (Duncan Black, On the Rationale of Group Decision-making, 1948) : une majorité peut être représentative d'un seul électeur, ou d'un seul groupe d’électeurs, l'électeur médian.
Le théorème d'Arrow nie déjà qu'il puisse exister une préférence collective ; le théorème de l’électeur médian indique que les convictions politiques de l'élu sont en réalité celles d'un très petit nombre d'électeurs.
La forme faible du théorème énonce que l'électeur médian vote toujours pour la politique adoptée à la majorité. La forme forte du théorème énonce que la politique préférée par l'électeur médian est toujours celle qui est adoptée, ce qui trace la ligne à suivre pour le politicien qui veut être élu :
« Ce théorème de l’électeur médian explique pourquoi les partis politiques tendent vers le centre, et pourquoi la démocratie préfère les solutions médiocres : éducation médiocre, système de santé médiocre, etc. Et notez bien que tous les électeurs, à part l’électeur médian, sont insatisfaits : ils préfèrent une autre politique et c’est pour limiter les dégâts qu’ils ont voté pour la moins pire de celles qui leur étaient proposées. Il semble donc que l’intérêt général défini par les urnes s’identifie soit à des politiques incohérentes et instables, soit au pouvoir de l’électeur médian. On a le choix entre la tyrannie d’une majorité instable ou la tyrannie de la minorité d’extrême-centre. »
— Pierre Lemieux, L’économie des défaillances de l'État, 2008
Ce théorème explique également la multiplication des "acquis sociaux" et l'accroissement continuel de la dette publique en démocratie. Du fait que c'est l'électeur médian qui emporte la décision, et que ses revenus sont inférieurs au revenu moyen, seul l'endettement permet de tenir les promesses électorales qu'on lui a faites :
« Ce qui gouverne une nation (en démocratie), c'est la distribution des votes. Il y a un fort consensus autour de l'électeur médian. C'est une loi d'airain, pour l'homme politique, de saisir le vote de l'électeur médian. C'est l'électeur médian qui impose la redistribution. Pour cette classe moyenne, il faut qu'il y ait davantage de subventions que de taxation. Le seul moyen pour l’État d'y parvenir est de faire du déficit, financé par la dette publique. »
— Bertrand Lemennicier
Ce théorème, "l'un des théorèmes les plus importants de la théorie des choix publics" selon Bertrand Lemennicier, est exploité par la méthode d’analyse spatiale de la démocratie (H. Hotelling, A.Downs, S. Merrill III & B.Grofman), méthode de prévision électorale (voir par exemple [1]).
Électeur médian et fiction
Dans sa nouvelle de science-fiction A voté (appelée aussi Le Votant, titre original : Franchise) parue en 1955, Isaac Asimov imagine que dans le futur un nouveau mode de vote sera instauré : le résultat des élections sera déterminé par un ordinateur géant (Multivac) qui estimera la tendance de l'opinion en posant tout une série de questions à un seul citoyen, judicieusement choisi par la machine. L'ordinateur détermine alors la tendance générale et décide du résultat du vote :
- - Multivac vous a désigné comme le citoyen le plus représentatif pour cette année. Non pas le plus intelligent, le plus fort ou le plus chanceux, mais simplement le plus représentatif.
- - Il sentait s'éveiller en lui un patriotisme latent. Après tout, il représentait à lui seul l'ensemble du corps électoral. Il était le point de mire de tous les électeurs, la personnification, pour cette seule journée, de l'Amérique tout entière !
Isaac Asimov imagine ainsi qu'à l'avenir, par commodité, on déciderait que le résultat des élections ne reposerait plus que sur un seul électeur choisi adéquatement. En fait, Asimov extrapole ce que pourrait être le futur à partir du succès des prévisions par sondages Gallup, qui en 1936 avaient prévu la victoire de Franklin Roosevelt à l'élection présidentielle à partir d'un échantillon de 50 000 personnes. En 1952, la firme CBS exploite un ordinateur UNIVAC pour donner Eisenhower vainqueur de l'élection, à partir d'un échantillon de 1 % des votants. Dans ses spots Eisenhower answers America, le futur président répond aux questions d'Américains moyens (électeurs médians ?) soigneusement sélectionnés. L'électeur médian cesse ainsi d'être une fiction statistique pour devenir une réalité sociologique et un élément central du processus électoral.
Informations complémentaires
Citations
- Un projet de société libérale est voué à l’échec dans le cadre de la démocratie, car ce régime politique est antinomique de la liberté individuelle. Voter à la majorité simple une transition d’une société socialiste vers une société d’hommes libres viole nécessairement les droits individuels de la minorité qui désire vivre de manière servile ou maternée par une clique d’assistants sociaux dans le cadre d’une économie solidaire. Un choix collectif, via une procédure démocratique, ne peut valoir consentement. On ne peut consentir ni obéir à un projet qui sera dicté par les préférences d’un individu sans visage, irresponsable parce que totalement anonyme et qui ne représente que lui-même. (Bertrand Lemennicier)
Bibliographie
- 1979, T. Romer, H. Rosenthal, "The Elusive Median Voter", Journal of Public Economics, Vol 12, pp143-170
- 2000, S. Ahmed, K. V. Greene, "Is the Median Voter a Clear-Cut Winner ? Comparing the Median Voter Theory and Competing Theories in Explaining Local Government Spending", Public Choice, Vol 105, n°3-4, pp207-230
- 2003, Roger Congleton, "The Median Voter Model", In: Charles Rowley, F. Schneider, dir., "The Encyclopedia of Public Choice", Kluwer Academic Press, pp382-386
Voir aussi
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