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Kenneth Arrow
Kenneth Arrow | |||||
Économiste | |||||
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Dates | 1921 - 2017 | ||||
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Nationalité | États-Unis | ||||
Articles internes | Autres articles sur Kenneth Arrow | ||||
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Interwikis sur Kenneth J. Arrow | |||||
Kenneth Joseph Arrow, né le 23 août 1921 à New York et mort le 21 février 2017, est un économiste américain. Il est co-titulaire, avec John Hicks, du prix « Nobel d'économie » en 1972 pour ses travaux sur la théorie des choix collectifs et la théorie de l'équilibre général.
Biographie de Kenneth Arrow
Originaire d'une famille new yorkaise modeste, il obtient une licence en sciences sociales avec spécialisation en mathématiques au City College of New York en 1940. Il est alors proche du socialisme, dont il s'éloignera progressivement. En 1941 il obtient un master en mathématiques en 1941. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il sert dans l'armée américaine, au sein du service météorologique. A l'issue de la guerre, il rejoint Columbia puis l'université de Chicago.
En 1946 il revient à l'université de Columbia où il bénéficie d'une bourse, puis en 1947 l'université de Chicago. Il s'éloignera de celle-ci en 1949 sur fond de divergences avec Milton Friedman, ce dernier jugeant Arrow trop socialiste. C'est en 1951 qu'il décroche son Ph.D en économie, puis rejoint l'enseignement. Il enseigne à Stanford, et en 1962 est économiste au comité des conseillers économiques des États-Unis. Il rejoint Harvard six ans plus tard.
En 1972, il est (alors) le plus jeune économiste récompensé du Prix Nobel d'économie. Le jury récompense alors ses travaux sur la théorie du bien-être et sur les équilibres généraux de l'économie.
Il finira sa carrière à Stanford, entre 1979 et sa retraite, en 1991.
Il meurt en 2017, à 95 ans, laissant derrière lui des contributions remarquables à l'économie.
Apports de Kenneth Arrow à l'économie
L'apport de Kenneth Arrow, à la pensée libérale et à la théorie de l'organisation, concerne essentiellement son intérêt à la notion de l'apprentissage, de connaissance et de la confiance qu'il introduit dans son article de 1974. Les firmes disposent de cette faculté de fournir à leurs membres un langage commun ou un code. Kenneth Arrow a examiné le rôle des codes propres à l'entreprise. Il a noté que l'apprentissage des canaux d'information au sein d'une entreprise et les codes de transmission de l'information ont une valeur de compétence uniquement en interne. L'apprentissage d'un code par une personne physique est un acte d'investissement personnel qui constitue également une accumulation de capital pour l'organisation.
Le partage de la valeur confiance dans une société agit comme un « lubrifiant social » qui a des effets sur la performance. Son travail permet de comprendre également l'évolution des entreprises, non pas vue comme un effet mécanique et subissant des ordres hiérarchiques mais découlant d'un processus naturel et culturel.
Kenneth Arrow appartient au courant dominant de l'école néo-classique avec une défense absolue de l'individualisme méthodologique :
- "Il n'est pas vraiment nécessaire pour l'entreprise d'être l'unité fondamentale de l'organisation dans l'invention, il y a beaucoup de raisons de supposer que des talents individuels comptent beaucoup plus que l'entreprise en tant qu'organisation".[1]
Le théorème d'Arrow
Dans sa thèse Choix social et valeurs individuelles (1951), Arrow généralise un résultat déjà obtenu par Condorcet en montrant qu'il est impossible de définir l'intérêt général à partir des choix individuels. On ne peut définir de façon cohérente une préférence collective en agrégeant des préférences individuelles. Les décisions d'un État (même démocratique) ne peuvent donc pas être légitimes. Ce théorème d'impossibilité d'Arrow s'énonce ainsi (il s'agit d'un théorème mathématique de théorie des ensembles qui repose sur une démonstration élaborée) :
« Il n'existe pas de fonction de choix social (un système de vote) qui puisse convertir des préférences individuelles en une décision agrégée cohérente, hormis dans le cas où la fonction de choix social coïncide avec les choix d'un seul individu ("dictateur"), indépendamment du reste de la population. »
— Kenneth Arrow
Plus précisément, étant donné les hypothèses suivantes :
- 1a. hypothèse de rationalité : si un individu préfère une option A à une option B, la présence d'une troisième option C ne doit pas intervertir cette préférence (en particulier, il y a transitivité : si B est préféré à C et C est préféré à A, il est impossible que A soit préféré à B) ;
- 1b. hypothèse d'anonymat (invariance par permutation) : le choix collectif ne dépend pas de qui émet une préférence individuelle ;
- 2. universalité : il existe toujours un choix collectif, quelles que soient les préférences de chaque individu (pas de restriction sur les préférences individuelles, aucun sous-groupe ne peut être tenu à l'écart d'une décision) ;
- 3. unanimité (principe de Pareto, ou "non-masochisme du groupe") : lorsqu'une certaine option est préférée par tous à une certaine autre, la fonction de choix social associe cette même préférence à la société ;
- 4. indépendance des options non-pertinentes (impossibilité de « manipulation ») : le classement relatif de deux options ne doit dépendre que de leur position relative pour les individus et non du classement d'options tierces (on exprime ses souhaits véritables, on ne cherche pas par son choix à faire barrage à un sous-groupe de personnes, le vote exprime des préférences personnelles, et non des animosités à l'égard d'autrui) ; une autre façon d'exprimer cette exigence est de dire qu'une consultation doit révéler les préférences des acteurs : la procédure d'agrégation des choix ne doit pas être manipulable de façon à cacher les véritables préférences ;
- 5. non-dictature : il n'existe aucun individu ("dictateur") pour lequel la liste de ses choix personnels coïncide avec le choix collectif, quelles que soient les préférences des autres (personne ne doit imposer sa volonté aux autres).
le théorème d'Arrow affirme alors qu'il est impossible de satisfaire en même temps aux 5 conditions : si les 4 premières sont satisfaites, la 5ème ne l'est pas.
La conséquence de ce théorème est que la prétention de la démocratie (qu'elle soit directe ou représentative) à exprimer une « volonté générale » est une imposture : la « volonté générale » n'existe pas, et les politiciens n'obéissent qu'à leur intérêt particulier. On ne peut non plus affirmer que la démocratie soit systématiquement, et par nature, meilleure que la dictature (car il peut y avoir des « despotes éclairés » aussi bien que des « démocrates totalitaires ») :
« Il s'avère que la démocratie parfaite, à laquelle tant de grands esprits de l'histoire ont rêvé, n'est qu'une chimère logiquement auto-contradictoire. Aujourd'hui, les chercheurs du monde entier, en mathématiques, en politique et en économie, essaient de sauver ce qui peut l'être du "désastre" provoqué par la découverte d'Arrow. »
— Paul Samuelson
Ce théorème confirme ce qu'on peut comprendre intuitivement assez facilement : si Pierre préfère A, Paul préfère B et Jean préfère C, il ne peut y avoir de "choix collectif" de Pierre, Paul et Jean. La règle de la majorité n'est qu'une règle qui ne peut définir un choix collectif légitime. Alexis de Tocqueville l'expliquait déjà :
« Qu'est-ce donc une majorité prise collectivement sinon un individu qui a des opinions et le plus souvent des intérêts contraires à un autre individu qu'on nomme la minorité ? Or, si vous admettez qu'un homme revêtu de la toute-puissance peut en abuser contre ses adversaires, pourquoi n'admettez-vous pas la même chose pour une majorité ? »
— Alexis de Tocqueville, De la Démocratie en Amérique
La pratique politique dans les démocraties modernes confirme chaque jour ce théorème, en montrant les contradictions entre les différentes instances décisionnelles : le "peuple" n'a pas les mêmes opinions que ses dirigeants (élus ou non élus), qui n'ont pas les mêmes opinions que l'assemblée législative ou le tribunal suprême, qui n'ont pas les mêmes opinions que telle instance supranationale ayant voix au chapitre, etc.
Henri Lepage souligne le fait paradoxal que ce théorème, apparemment en faveur des thèses libérales, peut être invoqué pour justifier l'existence d'une élite qui décide au nom de l'intérêt général, puisque cet intérêt ne saurait être défini à partir de l'agrégation des intérêts individuels :
« Le "paradoxe d'Arrow" a pour résultat de conforter l'idéologie libérale : il jette d'emblée une suspicion sur tout ce qui vient de l’État, puisqu'il démontre que la véritable démocratie n'existe pas et ne peut pas exister. C'est une arme contre toutes les idéologies "étatisantes". Mais il a aussi un effet exactement inverse : celui de légitimer l'existence d'une élite particulière détentrice de "l'intérêt général" ; et donc, de nous prédisposer à tomber dans le piège qui consiste à voir dans les individus qui font l’État (ses élus, ses ministres, ses fonctionnaires) d'abord les agents de l'intérêt général, avant de voir les hommes eux-mêmes et les règles qui conditionnent leur comportement. Malgré la défiance qu'il suggère à l'encontre de toute solution étatique, l'une des conséquences du "paradoxe d'Arrow" est de nous conduire à une acceptation trop passive des processus modernes d'extension du phénomène étatique. (Henri Lepage »
— Demain le capitalisme, 1978
Voir aussi : théorème de l’électeur médian, loi d'airain de l'oligarchie.
Preuve du théorème d'Arrow
Soit I l'ensemble de la population et A l'ensemble des choix possibles A = {a,b}. J est une partie décisive pour {a,b} si pour tout élément i de J (groupe de personne ou individu) si i préfère a à b alors globalement a est préféré à b.
Soit J partie décisive minimale et j appartenant à J et une situation de Condorcet, z appartenant à A.
j : a préféré à z et z préféré à b.
J privé de j : b préféré à a et a préféré à z
I privé de J : z préféré à b préféré à a
Alors on a a préféré à z car J décisive mais b n'est pas préféré à a car sinon J privé de j serait décisive et J ne serait pas minimal. D’où a préféré à b et a préféré à z or la relation de préférence individuelle de l'individu i est un pré-ordre (i.e réflexive et transitive) et b préféré à z est impossible d’où z préféré à b. Au final, on a a préféré à z et z préféré à b qui sont les préférences de j. On obtient une situation de procédure dictatoriale.
Notes et références
- ↑ There is really no need for the firm to be the fundamental unit of organization in invention; there is plenty of reason to suppose that individual talents count for a good deal more than the firm as an organization (Kenneth Arrow, 1962, Economic welfare and the allocation of resources for inventions, In: Richard R. Nelson, dir., The Rate and Direction of Inventive Activity: Economic and Social Factors, Princeton, NJ: Princeton University Press, p624)
Publications
- Pour une liste détaillée des œuvres de Kenneth Arrow, voir Kenneth Arrow (bibliographie)
Littérature secondaire
- 1975, M. A. Satterthwaite, Strategy-proofness and Arrow's Condition: Existence and Correspondence Theorem for Voting Procedures and Social Welfare Function, Journal of Economic Theory, 10: 187-217
- 1987,
- George Feiwel, Dir., Arrow and the Ascent of Modern Economic Theory, New York: New York University Press
- Ronald C. Fisher, "Arrow, Kenneth (Joseph)", Roland Turner, dir., "Thinkers of the twentieth century", Chicago: St. James Press, pp27-29
- 2002, Peter Boettke, "Hayek, Arrow, and the Problems of Democratic Decision-Making", Journal of Public Finance and Public Choice, Vol 20, n°1, pp9–21
- 2005, Gilles Dostaler, "Kenneth J. Arrow, et les limites des choix effectifs", Alternatives économiques, n°241, novembre, pp76-78
- 2006, Giovanni Dosi, Franco Malerba, Giovanni B. Ramello et Francesco Silva, "Information, appropriability, and the generation of innovative knowledge four decades after Arrow and Nelson: an introduction", Industrial and Corporate Change, December, 15(6), pp891-901
Articles connexes
Liens externes
- (en)Moral Hazard: Kenneth Arrow vs. Frank Knight and the Austrians (Matt McCaffrey, Mises Wire, 14 mars 2017)
- (fr)Le théorème d'Arrow, ou la démocratie contre la raison (Mickaël Mithra)
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