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Division du travail
La division du travail est une caractéristique fondamentale des sociétés humaines. Elle traduit le fait que les êtres humains différent les uns des autres par leurs aptitudes, innées ou acquises, et par l'environnement dans lequel ils vivent, et par le fait que leur raison leur a permis de découvrir qu'ils pouvaient mieux satisfaire leurs besoins en se spécialisant, en s'associant et en échangeant qu'en produisant chacun ce qu'ils désirent consommer de façon autarcique.
Adam Smith et la division du travail
Pour les libéraux, le phénomène social fondamental est la division du travail, et sa contrepartie la coopération humaine, par des échanges libres. Dès 1776, dans son livre, The Wealth of Nations, Adam Smith traite des avantages économiques que présente la division du travail.
« Cette division du travail, de laquelle découlent tant d'avantages, ne doit pas être regardée dans son origine comme l'effet d'une sagesse humaine qui ait prévu et qui ait eu pour but cette opulence générale qui en est le résultat, elle est la conséquence nécessaire, quoique lente et graduelle, d'un certain penchant naturel à tous les hommes, qui ne se proposent pas des vues d'utilité aussi étendues : c'est le penchant qui les porte à commercer, à faire des trocs et des échanges d'une chose pour une autre. »
— Adam Smith, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations
Charles Babbage et l'intégration du travail intellectuel dans la division du travail
En 1832, Charles Babbage publie un ouvrage, [Sur l'économie des machines et des fabricants] [1]. Il élargit la théorie de la division du travail proposée par Adam Smith. Il fait valoir que la spécialisation est aussi importante pour le travail intellectuel que pour le travail manuel.
L'expérience apprend à l'homme que la coopération est plus efficace et plus fructueuse que l'action isolée d'individus autarciques. La division du travail accroît le résultat matériel de chaque unité de travail fournie, en raison des facteurs suivants :
- l'inégalité innée des hommes en ce qui concerne leur aptitude à accomplir des travaux de nature diverse ;
- l'inégale distribution dans le monde des facteurs de production naturels, autres qu'humains ;
- le fait que pour mener à bien certaines entreprises, les forces d'un seul homme ne suffisent pas, et il faut l'effort conjoint de plusieurs.
L'influence des institutions sur la division du travail
L'existence de la monnaie rend possible une division du travail à grande échelle, car elle facilite les échanges (sans monnaie, un travailleur non agriculteur serait incapable de se nourrir, faute de pouvoir échanger commodément sa compétence contre des aliments, incapable de se vêtir, de se loger, etc.).
Les effets de la division du travail
Les erreurs d'analyse du marxisme
Pour le marxisme, au contraire, la division du travail constitutive du capitalisme aliène l'individu : elle correspond à une division de l'homme lui-même. Dans une usine, ce ne sont pas des hommes qui travaillent, mais des organes humains. Le marxisme, dans son irréalisme constructiviste et égalitariste, rêve ainsi d'hommes complets et polyvalents, oubliant que l'individu est le premier à bénéficier de la division du travail, qui lui évite de se disperser et de prendre en charge lui-même, comme Robinson sur son île, de multiples tâches autant vitales qu'ingrates, et pour lesquelles sa capacité est variable. La spécialisation est un gage d'efficacité. De nombreux économistes ont montré l'erreur d'analyse de Marx (Edward Ames, Nathan Rosenberg). La machine n'implique pas l'aliénation de l'homme, ni ne le dénude de ses compétences.
L'amélioration de la productivité
L'économiste George Reisman souligne que la division du travail améliore la productivité de six façons différentes :
- la multiplication de la connaissance (grâce à la spécialisation, un produit fini est la somme d'une masse énorme de connaissances réparties sur un grand nombre de personnes) ;
- elle rend possible le génie, qui ne perd pas son temps en tâches subalternes, et dont l'inventivité profite à toute la société ;
- elle permet à chacun (et pas seulement aux génies !) de se spécialiser dans ce qu'il sait le mieux faire, quelles que soient ses capacités ;
- la spécialisation géographique (les conditions naturelles, le climat, l'environnement, sont utilisés au mieux, tout pays peut bénéficier des avantages spécifiques à un autre pays) ;
- production avec économie d'apprentissage et de déplacement géographique ;
- emploi de la machine justifié économiquement par la spécialisation.
L'interrelation entre les coûts de transaction et la division du travail
Afin de comprendre l'évolution et la taille de l'entreprise dans une économie de marché, les économistes ont intégré la théorie des coûts de transaction pour mieux analyser le niveau de la division sociale du travail. Ils démontrent que le niveau de la division du travail et l'ampleur du marché dépendent l'un de l'autre, par un phénomène qu'a démontré l'économiste Allyn Young, les rendements croissants.
L'augmentation du niveau de la division sociale du travail, c'est-à-dire la spécialisation, et le déclin de la taille de l'entreprise sont corrélées. La taille de l'entreprise dépend, de manière cruciale, de l'efficacité relative des transactions sur le marché du travail et sur celui des produits intermédiaires et des biens de consommation. Autrement dit, la taille de l'entreprise dépend de la nature de la structure de la production de l'entreprise en relation avec la structure de production de l'environnement global du marché dans lequel elle est insérée.
La division du travail progressive, qui s'opère au sein d'une population donnée, encourage l'adoption de détours de production. Des étapes plus spécialisées et différenciées de biens intermédiaires sont intégrées et développées dans le processus de la production. Les économies réalisées sur la complémentarité entre les biens intermédiaires diminuent les coûts de transaction. Par conséquent, le niveau de la division du travail et le nombre de biens intermédiaires augmentent tandis que les conditions de transaction sont améliorées en même temps.
Guang-Zhen Sun a étudié, dans de nombreux articles, les effets réciproques entre la propinquité et la division du travail. Autrement dit, il a analysé les effets de la densité de la population qui réduisent les coûts de transaction et accroissent la spécialisation du travail. Il a montré un phénomène d'endogénéisation de l'évolution de la division du travail par le rendement croissant du travail. Les coûts de transaction de la spécialisation du travail diminuent dans les agglomérations, conduisant à une escalade du prix des loyers d'habitation suite au processus de l'urbanisation. L'interaction entre la structure géographique des transactions, l'efficacité des négociations et la taille du réseau de la division du travail joue un rôle crucial dans l'histoire de l'urbanisation. Dès que les conditions de transaction s'améliorent, la division du travail et le niveau de spécialisation des individus augmentent. le niveau des loyers sur les territoires urbains augmentent de façon absolue et de façon relative aux zones rurales. La taille relative, par habitant, de l'espace de résidence entre les zones urbaines et les zones rurales diminue. Dans les zones urbaines, les professions se diversifient et la productivité de tous les biens s'accroît ainsi que le revenu réel par habitant.
Citations
- C’est l’échange qui engendre la concurrence productive, et l’échange, à son tour, naît de la division du travail, laquelle est déterminée par la loi de l’économie des forces et l’appât d’un profit. Le travail se divise lorsqu’il devient plus économique et profitable de produire un article de consommation en quantité supérieure au besoin qu’on en a, et de se procurer, en échange de l’excédent, un autre article dont la production coûterait plus de travail et de peine si on le produisait soi-même. (Gustave de Molinari, Grandeur et décadence de la guerre)
- La division du travail, en simplifiant et isolant chacune des opérations qui concourent à un résultat productif, met à la portée de tous les industries qui ne pouvaient d’abord être exercées que par quelques-uns. Il y a plus : un ensemble de travaux qui suppose, à l’origine, des connaissances très variées, par le seul bénéfice des siècles, tombe, sous le nom de routine, dans la sphère d’action des classes les moins instruites ; c’est ce qui est arrivé pour l’agriculture. (Frédéric Bastiat, Harmonies Économiques, X)
- Dès sa naissance, le socialisme s'est dressé contre la division du travail. Mais la division du travail est la base de la discipline du travail et de sa hiérarchie qualitative. Le renversement de la division du travail est le renversement du cosmos social, la fin de la culture qualitative. Le nivellement quantitatif du travail est une offense aux meilleurs et la sélection des inaptes, la négation et l'extermination des capacités et des talents, de l'expérience et de l'éducation, de la vocation et du génie. (Nicolas Berdiaev, Philosophie de l'Inégalité)
- Le libéralisme a pour premier principe que le marché, régulateur primordial de la division du travail, doit être conservé et perfectionné. Le libéralisme a eu pour mission historique de découvrir l’importance de la division du travail ; sa tâche, encore inachevée, est de montrer la meilleure façon d’adapter la loi et la politique à un mode de production dans lequel le travail humain est spécialisé, et qui rend en conséquence les individus et les sociétés de plus en plus dépendants les uns des autres dans le monde entier. La philosophie libérale est basée sur la conviction que, sauf en cas de danger ou de guerre, l’autorité, publique ou privée, est incapable de bien régler la division du travail, que le mode de production inauguré il y a cent cinquante ans est par essence une économie marchande, que par conséquent le vrai progrès consiste non pas à gêner ni à supprimer le marché, mais à le conserver et à l’améliorer. (Walter Lippmann, La Cité libre, 1937)
Informations complémentaires
Notes et références
- ↑ Charles Babbage, 1835, On the Economy of Machinery and Manufactures, London: Charles Knight, 4ème édition
Bibliographie
De 1934 à 1979
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- 1965, Edward Ames, Nathan Rosenberg, "The Progressive Division and Specialization of Industries", Journal of Development Studies, July, 1(4), pp363–383
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- 1974, V. Foley, The Division of Labor in Plato and Smith, History of Political Economy, Vol. 6, n°1, Spring, pp222-42
- 1975, Paul J. McNulty, "A Note on the Division of Labor in Plato and Smith", History of Political Economy, Vol 7, n°3, Fall, pp372-378
- 1977, R. S. Ippolito, The Division of Labor in the Firm, Economic Inquiry, 15(4), pp469-492
De 1980 à 1999
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- 1998, Timothy F. Bresnahan et Alfonso Gambardella, The Division of Inventive Labor and the Extent of the Market, In: Elhanan Helpman, dir., General Purpose Technologies and Economic Growth. Cambridge, Mass.: MIT Press, pp253-281
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- Guang-Zhen Sun & Monchi Lio, "The Division Of Labor And Roundabout Production: Allyn Young Revisited", Pacific Economic Review, Blackwell Publishing, vol 8(3), October, pp219-238
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- Sumitra Shah, "Sexual Division of Labor in Adam Smith's Work", Journal of the History of Economic Thought, Vol 28, n°2, pp221-241
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- Anna Greco, "On the Economy of Specialization and Division of Labour in Plato’s Republic", Polis, Vol 26, n°1, pp52–72
- 2011, Per Bylund, "Division of Labor and the Firm: An Austrian Attempt at Explaining the Firm in the Market", Quarterly Journal of Austrian Economics, 14(2), pp188–215
- 2012, Guido Hulsmann, "Division du travail", In: Mathieu Laine, dir., Dictionnaire du libéralisme, Paris: Larousse, pp194-196
- 2021, Andrew Smyth, Bart Wilson, "No Mere Tautology: The Division of Labour is Limited by the Division of Labour", Oxford Economic Papers, Vol 73, n°1, January, pp371-398
Voir aussi
Liens externes
- (fr)Moi, le crayon de Leonard Read
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