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Capitation
La capitation ou impôt par tête est un impôt d'un même montant par individu. Il diffère donc des impôts prélevés en pourcentage du revenu.
Le capitation a existé dès la Rome antique sous forme de la caput, en Angleterre dès le XIVe siècle ou bien en France sous l'Ancien Régime.
Un « impôt libéral » ?
Alors que les anarcho-capitalistes s'opposent à toute forme d'impôt, considéré comme un vol, les libéraux classiques le considèrent comme un mal nécessaire qu'il faut encadrer et fixer de la façon la plus juste possible. De nombreux penseurs libéraux ont donc mené une réflexion sur ce que serait un impôt « juste », le plus compatible avec les principes du libéralisme.
Les libéraux rejettent la progressivité fiscale, tant pour des raisons morales (il n'y a aucun fondement à faire payer davantage celui qui a réussi) qu'utilitaristes (effet de désincitation à travailler). En outre, ils pointent les défauts d'une telle imposition. L'économiste et philosophe Friedrich Hayek nota que la progressivité fiscale était la porte ouverte aux discriminations arbitraires, pour n'importe quelle raison plaisant aux politiciens : « La progressivité n'est rien de plus qu'une invitation ouverte à la discrimination ». La multiplication des niches fiscales pour acheter telle ou telle clientèle électorale sur le marché politique l'illustre amplement. De même, le Prix Nobel d'économie Milton Friedman souligna l'injustice d'impôts destinés à servir des objectifs politiques de justice sociale. Il écrivit ainsi : « Difficile de justifier un impôt progressif dont le seul but est de redistribuer les revenus ». L'économiste de l'école autrichienne Ludwig von Mises écrit pour sa part dans L'Action humaine que « l'impôt progressif est un mode exagéré d'expropriation. »
Cependant, les partisans de la capitation ou la poll tax sont minoritaires chez les libéraux. On peut noter le contre-exemple de Madsen Pirie de l'Adam Smith Institute lors de la révolution conservatrice des années 1980. Pierre Bessard, de l'Institut Constant de Rebecque estime pour sa part que c'est le seul impôt juste dans le contexte d'un État minimal[1]. Robert Hughes dans un article pour la Libertarian Alliance estime à l'inverse que la poll tax est le « triomphe final de l'État » dans la logique de contrôle total sur nos vies ; en effet, c'est un impôt sur la vie, auquel nul ne peut échapper autrement que par la mort[2]. En outre, les quelques tentatives récentes de mise en place de la capitation (Margaret Thatcher) ou d'un impôt dégressif s'en rapprochant (Suisse) n'ont pas abouti.
Les principaux penseurs libéraux contemporains défendent davantage un système de flat tax ou impôt à taux unique, par lequel chaque contribuable paie le même taux d'impôt. C'était en particulier une idée défendue par Milton Friedman et appliquée avec succès dans de nombreux pays d'Europe de l'Est comme par Mart Laar en Estonie.
La forme la plus libérale d'un impôt serait cependant différente, même si probablement plus délicate à mettre en œuvre en pratique : chaque contribuable payant à hauteur de l'utilisation qu'il fait des services de l'État. Elle est donc en désaccord avec la définition commune de l'impôt, formulée par le juriste Gaston Jèze dans les années 1930 : « L’impôt est une prestation pécuniaire requise des particuliers par voie d’autorité, à titre définitif et sans contrepartie, en vue de la couverture des charges publiques »[3].
Perspective historique
Rome antique
A l'époque de la Rome antique, la capitation désignait un impôt agricole, prélevé en fonction du nombre de personnes travaillant dans une exploitation agricole. A cette capitatio plebeia sur les personnes s'oppose la capitatio terrana, capitatio humana et capitatio animalium des impôts fonciers[4].
Monde islamique
La jizya (جزية) était un impôt de capitation payé par les dhimmis, ces non-musulmans vivant en terre d'islam. C'était l'un des principaux moyens utilisés pour forcer pacifiquement les non-musulmans à se convertir à l'islam.
Angleterre médiévale
Édouard III d'Angleterre impose en 1377 un impôt de capitation ou poll tax, pour financer une nouvelle armée destinée à attaquer le roi de France. Chaque adulte du pays dut verser un impôt de quatre denarius (pence) au roi. En 1378, Jean de Gand, duc de Lancaster et régent, demande au Parlement d'imposer une nouvelle poll tax pour soutenir l'effort de guerre, mais les parlementaires introduisent une dose de progressivité fiscale. Quand, en décembre 1380, les parlementaires décident d'imposer une nouvelle poll tax, ils suppriment cette progressivité et imposent à toute personne de plus de quinze ans un payement d'un shilling (douze pence). Ces différentes poll taxes furent accompagnées de révoltes fiscales violentes, en particulier en raison de la dégressivité de cet impôt.
Une poll tax, différente de la capitation, fut prélevée pour la première fois en 1275, en fonction de la valeur totale des biens mobiliers d'une personne. Elle exista jusqu'au XVIIe siècle.
Ancien Régime
La capitation exista en France à partir du XVIIe siècle. Elle est mise en place en 1695, à la suite de la crise économique de 1692 à 1694 et des difficultés financières dues à la guerre de la Ligue d'Augsbourg.
Ce n'est cependant pas un véritable impôt par tête, puisque la population est répartie en vingt-deux classes, qui ne payent pas le même impôt. La première classe payait 2000 livres tandis que la dernière payait 20 sous.
Impôt sur les personnes, il touche l'ensemble des Français, y compris les privilégiés. Toutefois, le clergé en est exempt car il se rachète en votant le « don gratuit » (4 millions de livres par an et un rachat définitif de 24 millions en 1710). Les pauvres, qui paient moins de 40 sous de taille, en sont aussi exempts.
Cet impôt temporaire fut supprimé en 1697 à la suite de la paix consécutive au traité de Ryswick. Cependant, en 1702, la guerre de succession d'Espagne amène le retour de la capitation en France. Elle connut des augmentations en 1705 et 1747 (deux sous par livre), elle fut doublée pour les non-taillables en 1760. En 1789, la capitation représente 1/11e du revenu pour les taillables, mais 1/90e pour les privilégiés, ce qui en fait un impôt dégressif mais non un impôt par tête. Elle rapporte plus de 41 millions de livres.
Pays anglo-saxons à l'époque moderne et contemporaine
Royaume-Uni
La poll tax est un impôt par tête dans les pays anglo-saxons. En vieil anglais, poll signifiait en effet tête. Sous l'impulsion de Madsen Pirie et de l'Adam Smith Institute, Margaret Thatcher expérimenta en 1989 en Écosse une poll tax, qu'elle tenta de généraliser en 1990 sous le nom de Community Charge. L'impôt était d'un montant fixe par personne vivant dans un logement, avec une réduction pour les plus pauvres. Très impopulaire, cette mesure fut abandonnée et fut fortement responsable de la chute du gouvernement Thatcher.
Des manifestations de masse furent organisées par la All-Britain Anti-Poll Tax Federation, organisation à laquelle étaient affiliées la plupart des Anti Poll Tax Unions locales. La principale manifestation, le 31 mars 1990 à Trafalgar Square, rassembla 200.000 manifestants.
John Major, successeur de Margaret Thatcher au poste de premier ministre, revint à l'ancien système (pourcentage de la valeur du bien), sous un autre nom (Council Tax).
États-Unis
La clause de capitation du premier article de la constitution des États-Unis interdit la capitation ; la section 9 de cet article précise ainsi : « aucune capitation ni autre impôt direct ne sera levé, si ce n'est en proportion du recensement ou dénombrement ci-avant prévu »[5]. Aujourd'hui, la capitation n'existe pas aux États-Unis.
Le terme de poll tax, dans un sens différent du sens britannique, désigne quasi exclusivement l'impôt d'un montant fixe qu'il fallait payer pour voter dans certains États. Ils servirent en particulier de barrage mis en place par les politiciens pour empêcher les populations noires de voter dans le Sud. Le 24e amendement à la constitution, ratifié en 1964, interdit cette pratique.
Notes et références
- ↑ [pdf]De l'imposition à la justice, Pierre Bessard, Institut Constant de Rebecque
- ↑ "1381 Revisited: The Tragedy of the Poll Tax", Libertarian Alliance, [lire en ligne]
- ↑ Gaston Jèze, Cours de finances publiques 1935-1936, LGDJ, Paris, 1936, p. 39
- ↑ Article capitation in Lexique d'Histoire et de civilisation romaines, Jean-Luc Lamboley, ISBN 2729855475
- ↑ Constitution des États-Unis d'Amérique, 17 septembre 1787, [lire en ligne]
Voir aussi
Liens externes
- (fr)La dégressivité de l'impôt, discussion sur liberaux.org
- (en)La Poll Tax au Moyen Âge
- (fr) [pdf]De l'imposition à la justice, Pierre Bessard, Institut Constant de Rebecque
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