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Réification méthodologique
Dans la philosophie des sciences sociales, la notion de réification méthodologique est utilisée pour critiquer l'hypothèse conceptuelle de certains théoriciens sociaux confrontés au paradoxe de la réification qui consiste à postuler l'autonomie d'une réalité qu'ils ont créée eux-mêmes sans que cette abstaction agisse par elle-même. Dans ce champ, il convient d'englober tous les théoriciens qui prônent un holisme méthodologique qui donne l'illusion qu'une entité, comme une classe sociale par exemple, puisse agir par elle-même sans se préoccuper des acteurs qui la composent. La critique de la réification méthodologique touche également les théoriciens positivistes, qui utilisent l'individualisme méthodologique, et qui postulent que la science doit s'appuyer plus sur l'explication des phénomènes ou sur la pertinence de ses prévisions plutôt que sur la compréhension des phénomènes.
- "A force de conceptualiser les construits humains comme des construits déshumanisés et déshumanisants, ils risquent de prendre leurs modèles pour la réalité et de dériver vers un réalisme naïf et chosificateur qui traite les entités abstraites et conceptuelles comme des entités concrètes et réelles"[1].
L'erreur de la réification provient souvent du fait que le chercheur doit simplifier un phénomène complexe du monde réel. Et, en adoptant des outils analytiques abstraits, le scientifique choisit de se focaliser sur certains aspects du problème qu'il juge plus proéminents et d'écarter d'autres qu'il juge moins pertinents. Le scientifique craint également de s'éloigner d'une communication claire sur ses recherches. Il choisit donc la réification sans autre forme de procès, sans souvent prévenir ses lecteurs ou en utilisant une forme littéraire compacte comme la métaphore. Par exemple, les termes tels que « employeur », « directeur » et « agent » désignent des rôles qui ont un sens économique et juridique dans l'entreprise et qui peuvent être assumés par des acteurs humains réels, mais ces rôles ne sont pas tangibles, pas plus qu'une société ne l'est.
Il n'y a rien de fondamentalement erroné dans l'abstraction et dans l'utilisation d'une image mentale abstraite. Le problème survient lorsque l'on souhaite appliquer cette image dans le cadre d'un comportement humain réel et complexe. C'est la raison pour laquelle, l'école autrichienne est très prudente quant à l'utilisation des mathématiques et des statistiques dans les sciences sociales[2]Les concepts globaux peuvent être trompeurs et nous dévier de la destinée de la vérité critique surtout si le scientifique les impose outre les précautions d'usage à leurs limites dues aux analyses des caractéristiques liées à des interdépendances réciproques quand les problèmes étudiés comprennent des interactions, des relations et des orientations très complexes de leurs éléments.
Notes et références
- ↑ Frédéric Vandenberghe, 1992, "La notion de réification. Réification sociale et chosification méthodologique", L'Homme et la société, n°103, (Aliénations nationales), p81
- ↑ "L'école autrichienne est sceptique quant à l'utilisation des mathématiques et des statistiques en économie. Ces outils, affirment-ils, favorisent une vision statique déshumanisée du monde et bloquent l'appréciation des processus en cours". Leland Yeager, 1978, commentaire de deux livres, celui dirigé par Edwin G. Dolan, "The Foundations of Modern Austrian Economics", et celui dirigé par Laurence S. Moss, "The Economics of Ludwig von Mises: Toward a Critical Reappraisal", Reason, February, p44
Bibliographie
- 1989, Richard A. Colignon, "Reification: The ’Holistic’ and ‘Individualistic’ Views of Organizations", Theory and Society, Vol 18, n°1, pp83-123
- 1992, Frédéric Vandenberghe, "La notion de réification. Réification sociale et chosification méthodologique", L'Homme et la société, n°103, (Aliénations nationales), pp81-93
- 2000, J. O. Ogbor, "Mythicizing and Reification in Entrepreneurial Discourse: Ideology Critique of Entrepreneurial Studies", Journal of Management Studies, July, Vol 37, n°5, pp605-636
- 2012, C. R. T. O’Kelley, "Coase, Knight, and the Nexus-of-Contracts Theory of the Firm: A Reflection on Reification, Reality, and the Corporation as Entrepreneur Surrogate", Seattle University Law Review, Vol 35, n°4, pp1247-1269