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Clifford Geertz

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Clifford Geertz (1926-2006) était un anthropologue culturel américain, largement reconnu pour son travail dans le domaine de l'anthropologie interprétative et symbolique. Il est célèbre pour sa théorie de l'interprétation culturelle qui a eu une influence majeure sur l'anthropologie contemporaine.

Geertz a mené des recherches sur de nombreuses sociétés et cultures à travers le monde, notamment à Java, à Bali et au Maroc. Il a également réalisé des études sur les rituels, les symboles, les religions et les structures sociales. Ses idées ont été essentielles pour promouvoir l'importance de la compréhension des significations culturelles profondes et des interprétations des acteurs sociaux au sein de leur contexte culturel.

L'un de ses ouvrages les plus célèbres est The Interpretation of Cultures (1973) où il a développé sa théorie de l'anthropologie interprétative. Son travail a eu un impact durable sur la recherche anthropologique et a élargi la compréhension de la diversité culturelle et de la manière dont les gens donnent un sens à leur monde.

L'examen de l'évolution mentale de l'homme

Dans un essai publié en 1962, The Growth of Culture and the Evolution of Mind, Clifford Geertz traite de la notion de l'esprit (mind dans le contexte de l'histoire intellectuelle des sciences du comportement. Il examine comment la notion de l'esprit a joué un rôle complexe dans le développement de ces sciences. L'article met en lumière la tension entre ceux qui cherchent à réduire la compréhension de l'esprit à des mécanismes physiques et ceux qui reconnaissent la complexité de l'expérience humaine et cherchent à la préserver. À la fin de l'article, il discute de l'impact des découvertes de fossiles d'Australopithèques sur notre compréhension de l'évolution de l'esprit humain. Il évoque la remise en question de l'idée selon laquelle l'apparition de l'esprit humain a été un événement soudain et marquant dans l'évolution.

  • 1. Impact des découvertes des fossiles d'Australopithèques sur la compréhension de l'évolution de l'esprit humain. Clifford Geertz explique que lorsque nous abordons la question de l'évolution de l'esprit humain, nous sommes confrontés à l'impact significatif des découvertes liées aux fossiles d'Australopithèques, des ancêtres préhistoriques de l'humanité. Ces découvertes archéologiques et paléontologiques ont profondément influencé notre compréhension de l'évolution de la cognition humaine. Les Australopithèques, des hominidés du Pliocène supérieur et du Pléistocène inférieur, dont les fossiles remontent à environ trois à quatre millions d'années, présentent un ensemble complexe de caractéristiques morphologiques, à la fois primitives et avancées.
  • 2. Exposition des deux points de vue prédominants sur l'évolution de l'esprit humain.  :
  • a. Le premier point de vue : Origine des caractéristiques humaines. Selon ce point de vue, les caractéristiques de pensée dite primaire, telles que la substitution, la réversibilité et autres, auraient précédé les caractéristiques de pensée secondaire, comme la pensée dirigée, la logique, etc. Cette perspective a souvent été liée à l'idée que les groupes de personnes dépourvus des ressources culturelles modernes auraient également une capacité intellectuelle sous-développée.
  • b. Le deuxième point de vue : Développement graduel de la pensée humaine. Ce point de vue a émergé en réaction aux problèmes et aux erreurs associés au premier point de vue. Il suggère que l'esprit humain moderne était prérequis pour l'acquisition de la culture, et que la croissance de la culture en elle-même n'a pas eu de signification marquante pour l'évolution mentale. En d'autres termes, il remet en question l'idée que des caractéristiques de pensée qualifiées de primaires précèdent celles que nous considérons comme secondaires.
  • 3. Remarques sur les implications des découvertes sur le point critique de l'apparition de la culture. Les découvertes liées aux Australopithèques ont des implications majeures sur le concept du point critique dans l'apparition de la culture. Selon ce concept, il y aurait eu un moment précis dans l'histoire de l'évolution des primates où un changement biologique majeur, probablement dans la structure du cortex, a transformé une créature animale en une créature capable de communication, d'apprentissage, d'enseignement, et de généralisation. C'est ce moment où la culture serait née.
  • 4. Remise en question du point critique. L'auteur remet en question la validité du concept du point critique en se basant sur les découvertes des Australopithèques. Il souligne qu'avec leurs cerveaux relativement petits et des caractéristiques morphologiques associées à une locomotion bipède, ils semblent avoir acquis certains éléments culturels tels que la fabrication d'outils et la chasse ponctuelle d'animaux, mais pas d'autres, comme le langage complexe. Cette observation remet en question l'idée d'un point critique soudain et catégorique dans l'évolution de la culture. En fait, l'expansion corticale humaine semble avoir suivi, plutôt que précédé, le développement de la culture, ce qui soulève des questions sur le rôle de la capacité culturelle dans l'évolution humaine.

La théorie de la croissance selon Clifford Geertz

Dans son ouvrage Peddlers and Princes: Social Development and Economic Change in Two Indonesian Towns publié en 1963, Clifford Geertz explore le thème de la croissance économique en se penchant sur le contexte indonésien. Il propose une analyse interdisciplinaire en combinant des éléments de l'anthropologie et de l'économie pour comprendre les forces sociales et les dynamiques économiques qui sous-tendent le développement. L'ouvrage offre un aperçu fascinant de la manière dont les changements sociaux, culturels et économiques interagissent dans le processus de développement, soulignant l'importance de la collaboration entre ces deux disciplines pour une compréhension plus complète de la croissance économique.

L'incertitude de la période de décollage économique

  • 1. Critique de l'indice du revenu par habitant. Clifford Geertz remet en question l'utilisation exclusive du revenu par habitant comme indicateur du développement économique. Il estime que cet indicateur est trop limité et ne reflète que de manière vague et imprécise le processus complexe de développement économique.
  • 2. La nature graduelle et sociale du développement économique. Geertz souligne que le développement économique, bien qu'il puisse sembler important et révolutionnaire d'un point de vue économique, est en réalité un processus social plus graduel et de longue haleine. Il insiste sur le fait que des changements sociaux et culturels significatifs précèdent la croissance économique visible et posent les bases de ce développement ultérieur.
  • 3. L'exemple de la croissance dans l'histoire de certains pays. L'auteur illustre sa théorie en utilisant des exemples historiques tels que le Japon à l'époque de Tokugawa, la Russie avant 1917 et l'Angleterre en 1750. Il montre que ces périodes n'étaient pas caractérisées uniquement par la stabilité avant une soudaine révolution économique, mais qu'elles étaient marquées par un ferment intellectuel et social généralisé. Ces bouleversements ont modifié les relations sociales et les valeurs culturelles, créant ainsi les conditions préalables à une réorganisation à grande échelle des activités productives.
  • 4. L'incertitude du "décollage". Geertz souligne que, bien que ces changements aient eu lieu, il n'est pas certain qu'ils aboutiront inévitablement au décollage économique. Il met en garde contre le fait que le développement peut échouer à n'importe quelle étape, y compris au stade initial. Il prend l'exemple de la Chine à la fin de la dynastie Qing, où de nombreux changements sociaux préalables à l'industrialisation ont eu lieu, mais sans la croissance économique promise.
  • 5. La préparation pour le décollage. Dans une société en pré-décollage, où l'équilibre traditionnel a été perdu mais où l'équilibre dynamique d'une société industrielle n'a pas encore été atteint, Geertz identifie deux tâches analytiques distinctes. La première tâche consiste à discerner les changements en cours en direction de la modernisation. Quelles transformations sociales et culturelles semblent favorables au développement ? La seconde tâche est ce que Geertz nomme le « problème de la masse critique ». Il s'agit d'estimer le stade que doivent atteindre ces changements, et les interrelations entre eux pour que le décollage économique puisse réellement se produire.
  • 6. Rôle de l'anthropologie et de l'économie. Geertz explique que les anthropologues se sont principalement concentrés sur la première tâche analytique, à savoir l'observation des changements sociaux et culturels en détail au niveau local, tandis que les économistes se sont davantage penchés sur la seconde tâche, c'est-à-dire l'analyse des implications agrégées de ces processus pour l'ensemble de l'économie.

En somme, Geertz insiste sur la complexité du processus de développement économique, soulignant que les changements sociaux et culturels jouent un rôle crucial dans la préparation du terrain pour le décollage économique, mais que la réalisation de ce décollage est incertaine et dépend de multiples facteurs interdépendants.

L'exemple de l'Indonésie

  • 1. Pré-décollage en Indonésie. Dans le contexte de l'Indonésie, Geertz avance l'idée que le pays se trouvait en phase pré-décollage, en 1963, au moment où il écrit son livre. Il suggère que des changements sociaux et culturels fondamentaux étaient en cours, ouvrant potentiellement la voie à une croissance économique rapide. La brusque croissance du revenu et de l'investissement qui caractérise les premières années de la modernisation découle donc de changements culturels plus vastes et fondamentaux déjà en cours.
  • 2. Transformation des valeurs et des institutions. Geertz observe que depuis environ 1920, voire depuis 1945, il y a eu, en Indonésie, un début de transformation fondamentale des valeurs et des institutions sociales vers des schémas associés généralement à une économie développée. Cependant, malgré ces changements, le progrès concret vers la création d'une telle économie a été limité et sporadique.
  • 3. Changements sociaux et culturels. Il note des modifications dans le système de stratification sociale, dans la vision du monde et l'éthos, dans l'organisation politique et économique, dans l'éducation, et même dans la structure familiale, qui se sont produites dans diverses parties de la société indonésienne. Certains de ces changements, tels que la commercialisation de l'agriculture, la création d'entreprises non familiales et la montée en prestige des compétences techniques par rapport aux compétences religieuses et esthétiques, ressemblent aux développements qui ont précédé le décollage économique en Occident.

L'appel à un rapprochement entre l'anthropologie et l'économie

La théorie de la croissance selon Clifford Geertz s'articule autour de la nécessité de combiner l'approche anthropologique et l'approche économique pour comprendre le processus de développement économique.

  • 1. Division du travail entre anthropologie et économie. Geertz constate que les études anthropologiques du développement se sont souvent concentrées sur des exemples de forces sociales diverses qui jouent un rôle d'une manière ou d'une autre dans le développement, sans expliquer comment elles exercent ce rôle, ni comment elles influent sur le fonctionnement global de l'économie. D'un autre côté, les études économiques du développement ont tendance à se focaliser sur des déclarations générales concernant les implications de divers types de relations entre des variables économiques agrégées définies techniquement pour la croissance, sans indiquer comment les forces sociales qui déterminent la valeur de ces variables peuvent être attendues de se comporter. Ainsi, d'un côté, il y a une approche anthropologique qui met l'accent sur le gradualisme, et de l'autre, une approche économique formaliste qui met l'accent sur la brusque révolution économique.
  • 2. Nécessité d'une approche intégrée. Geertz soutient que pour élaborer une théorie efficace de la croissance économique, il est essentiel de combiner les approches sociale et économique en un cadre d'analyse unique. Cela signifie que les relations entre les larges changements dans la stratification sociale, ou les changements spécifiques dans les niveaux d'épargne et d'investissement que l'on considère comme des facteurs de développement, doivent être étudiées dans leur interdépendance.
  • 3. Collaboration progressive entre anthropologie et économie. Geertz compare cette collaboration nécessaire entre l'anthropologie et l'économie à deux mineurs qui creusent des tunnels opposés dans la même montagne, travaillant avec leurs propres outils. Ils se rapprochent l'un de l'autre étape par étape, mais ils doivent orienter leur travail respectif vers celui de l'autre pour finalement construire un seul tunnel.

En résumé, la théorie de la croissance de Geertz insiste sur la nécessité de combiner les approches sociales et économiques pour comprendre le processus de développement, en mettant en évidence l'importance de la collaboration progressive entre les deux disciplines pour élaborer une théorie plus complète de la croissance économique.

Publications

  • 1963,
    • a. "Peddlers and Princes: Social Development and Economic Change in Two Indonesian Towns", Chicago, Illinois: University of Chicago Press
    • b. "Agricultural Involution: The Process of Ecological Change in Indonesia", Association of Asian Studies, Monographs and Papers, n°11, Berkeley: Univ. of California Press