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Chef d'entreprise
Le chef d'entreprise ou la cheffe d'entreprise est une dénomination purement francophone qui l'associe souvent à d'autres termes comme le dirigeant ou la dirigeante d'entreprise ; ou de façon plus générale, l'entrepreneur ou l'entrepreneure ; et de façon familière, le patron ou la patronne. Il s'agit de la personne qui se trouve à la tête d'une société, même s'il s'agit d'une structure composée de lui-même ou d'elle-même (entreprise individuelle). Même s'il ne dispose pas du statut juridique de société par actions, le travailleur indépendant, le freelance ou le micro-entrepreneur sont abusivement appelés chef d'entreprise par l'homme de la rue. Le chef d'entreprise peut aussi compter plusieurs centaines de milliers de salariés (groupe international), en passant par moins de 20 collaborateurs (TPE) ou plus (PME). Il n'est pas forcément le fondateur de l'entreprise.
Le chef d'entreprise : mandataire d'une fonction publique imposée par l'État
Même si l'idée du chef d'entreprise est d'accomplir son rôle d'entrepreneur en toute liberté, il est soumis à des contraintes de réglementations. Par exemple, il collecte les charges sociales et fiscales de ceux qui travaillent pour son entreprise, ou sur lui-même lorsqu'il est salarié. Avec les années, son rôle de « fermier général » s'est étendu à un contrôle de santé publique. Par exemple, il doit vérifier que ses salariés ou ses clients présentent un passe sanitaire en règle sous peine de sanction.
La montée du mouvement anti-individualiste dès le XIXe siècle
Cette évolution lente de soumission à l'ordre collectif n'est pas récente. Elle a commencé dès le début du XIXe siècle en Allemagne, avec le développement d'un sentiment anti-individualiste. L'individu, jusqu'alors respecté, fut par la suite déclaré être une entrave à l'État qui souhaite poursuivre sa politique d'intérêt collectif et national, d'où l'émergence de Bismark et de ses lois sociales. Cette réaction exagérée englobait le chef d'entreprise qui pouvait offrir aussi un service ou un produit d'intérêt général. Par exemple, les chefs d'entreprises paternalistes ont construit des cités ouvrières en améliorant l'hygiène publique. Mais le mouvement anti-individualiste s'est développé également outre-Manche avec le rejet moral de l'égoïsme de l'individu. Au milieu du XIXe siècle, des enquêtes diligentées par des esprits collectivistes régnant à la Chambre des Lords, en Angleterre, comme à l'Académie des Sciences morales et politiques en France[1], placèrent le social au-dessus des intérêts individuels. La liberté du chef d'entreprise était alors limitée par des intérêts collectifs afin d'améliorer le sort des ouvriers au service de l'usine, d'où l'émergence de nombreuses lois progressistes que le chef d'entreprise devaient appliquer à la lettre.
Dans la vision des disciples de Karl Marx, l'entrepreneur propriétaire ne doit plus exister. La classe des prolétaires doit disparaître avec la suppression de l'entrepreneur. Celui-ci est accusé d'être un exploiteur car il possède le capital qu'il utilise grâce aux ouvriers sans leur retourner le paiement en conséquence de leur labeur[2]. Malheureusement, la réfutation depuis deux siècles par de nombreux économistes et particulièrement par l'école autrichienne n'a pas agi sur les mentalités populaires, et cette chimère continue de vaquer dans les esprits de la masse et dans les journaux populaires au détriment de l'honnête chef d'entreprise.
La montée du sentiment anti-individualiste s'est renforcée avec l'arrivée du régime haineux du national socialisme[3] en Allemagne. L'individu y est présenté comme essentiellement malfaisant. Le chef d'entreprise est dédaigné et soupçonné de mauvaise moralité car, soi-disant, il recherche à tout prix le profit maximum. Il est rejeté car antisocial. L'entrepreneur ne doit plus faire des efforts pour lui-même mais pour le bénéfice de la communauté. La pensée de l'économie nationale-socialiste se rattache à la conception de la communauté populaire. De plus, une fantaisie dans la logique vient vicier l'argumentation économique saine. La richesse réelle nationale n'est plus ce que les chefs d'entreprise produisent à l'aide de leurs ouvriers mais elle serait les forces morales et physiques qu'un peuple peut déployer de lui-même. Autrement dit, la richesse nationale serait constituée des forces latentes du pays où vit ce peuple. Par conséquent, selon ce retournement de logique, le chef d'entreprise serait condamnable moralement en cas de chômage pour ne pas avoir utilisé cette force vive en attente d'actions de production. L'État national socialiste aurait le droit d'imposer à tout citoyen l'accomplissement de son devoir d'acteur de la production[4]. Par conséquent, il exigerait au chef d'entreprise, non point de disparaître comme le ferait l'État marxiste, mais de s'intégrer dans la communauté nationale en se chargeant d'une fonction publique fondamentale : le plein emploi. Ainsi, le chef d'entreprise n'est plus indépendant. Il est subordonné à la vindicte et aux désirs de la communauté populaire.
Informations complémentaires
notes et références
- ↑ Germain Martin, 1942, « Les précurseurs de la législation sociale à l'Académie des Sciences Morales et Politiques », Publication de l'Institut de France
- ↑ L'erreur de cette logique provient de Karl Marx qui fait croire que la valeur d'un objet correspond aux heures de travail incorporées dans cet objet.
- ↑ Roger Bonnard, 1939, « Le droit et l'État dans la doctrine nationale socialiste »
- ↑ Sans doute que dans la suite logique de la pensée du national-socialisme, l'État demanderait aux non nationaux, peut-être avec la collaboration des chefs d'entreprise, c'est-à-dire les immigrés incapables d'apporter leur contribution à la nation où ils vivent de sortir des frontières.
Publications
- 1924, Jean-Paul Palewski, "Le Rôle du chef d'entreprise dans la grande industrie (Etude de psychologie économique", Paris, Presses Universitaires de France
- 1926, Joseph Wilbois, "Le chef d'entreprise, sa fonction et sa personne", Félix Alcan
- 1928, Jean-Paul Palewski, "Histoire des chefs d'entreprise", Nrf-Gallimard
- 1946, Germain Martin, Philippe Simon, "Le chef d'entreprise: évolution de son rôle au XXe siècle", Flammarion
- 1954, Jean Vigneras, "Le chef d'entreprise", Revue des Deux Mondes (1829-1971), 1er octobre, pp457-461
- 1957, Yvonne Edmond Foinant (Présidente des femmes cheffes d’entreprise France-Europe), "La femme chef d’entreprise", Les Annales - Revue mensuelle des lettres françaises, Vol 64, n°85, Novembre
- 1959, Stephan Cambien, "La succession du Chef d'entreprise dans les petites et moyennes entreprises", Relations Industrielles / Industrial Relations, Vol 14, n°2, April, pp246-264
- 1975, Claude Bourg, "Femme et chef d'entreprise", Paris: Robert Laffont
- 1977, Sandra Dijkstra, commentaire des livres de Catherine Valabrègue, "Eux, les hommes", et de Claude Bourg, "Femme et chef d'entreprise", The French Review, Vol 51, n°1, Oct., pp156-157
- 1994, Bruno Petit, Charles Robbez-Masson, "Le statut du chef d'entreprise", Editeur: Liaisons