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Adriel Santos Santana

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Adriel Santos Santana est un juriste et essayiste brésilien, formé en droit à l’Universidade Estadual de Santa Cruz (UESC). Inspiré par l’école autrichienne d’économie (Murray Rothbard, Hans-Hermann Hoppe, Friedrich Hayek), il développe une pensée libertarienne appliquée au contexte brésilien. Ses travaux portent sur la critique de l’État contemporain, l’arbitrage privé comme alternative à la justice publique, la privatisation de l’environnement et l’abolition de la propriété intellectuelle, avec pour fil conducteur la défense radicale de la liberté individuelle et de la propriété privée.

Fondements théoriques de la pensée de l'auteur

Pour Adriel Santos Santana, la compréhension du rôle de l’État doit partir d’un constat fondamental, comme l'a présenté aussi Hans-Hermann Hoppe : la rareté est à l’origine des conflits humains. Là où les biens sont abondants, il n’existe pas de rivalité ; mais dès que les ressources deviennent limitées, surgit la nécessité de règles pour organiser leur usage. C’est ce qui explique, selon lui, l’adoption universelle de la propriété privée comme mécanisme de pacification sociale. En suivant John Locke, Santana rappelle que la propriété naît de l’appropriation initiale : le travail mêlé à une ressource naturelle en fait un bien légitimement possédé.

Cette légitimité est renforcée par la distinction formulée par Franz Oppenheimer entre deux modes d’acquisition de richesses :

  • les moyens économiques, issus du travail et de l’échange volontaire ;
  • les moyens politiques, qui reposent sur la coercition et la spoliation.

C’est précisément dans ce second registre que s’inscrit l’État. Pour Santana, l’État est une organisation institutionnelle de la prédation : il se fonde sur le monopole de la force et sur l’expropriation légalisée par l’impôt. Là où le marché multiplie les richesses en favorisant les échanges, l’État ne produit rien : il prélève, redistribue et entretient un appareil bureaucratique qui consomme les ressources de la société productive.

L’originalité de Santana est de transposer ces fondements théoriques au Brésil contemporain[1]. Dans ses écrits, il décrit l’État brésilien non pas comme un arbitre neutre ou un garant de l’ordre, mais comme un parasite institutionnalisé. L’impôt y devient un instrument de spoliation légale, la bureaucratie une machine paralysante et les services publics une promesse inefficace. En réactualisant Locke, Oppenheimer et Hoppe, Santana ne se limite pas à une critique abstraite : il montre que la crise structurelle du Brésil illustre concrètement les dérives inhérentes à tout appareil étatique.

L’État contemporain brésilien dans la pensée de Santana

Pour Adriel Santos Santana, comprendre l’État contemporain brésilien suppose de dévoiler les contradictions structurelles qui l’animent. Héritier de la “Constituição Cidadã” (« Constitution citoyenne ») de 1988, l’État se présente comme protecteur des droits sociaux et garant du bien-être collectif. Mais cette façade démocratique masque, selon lui, une réalité : le pouvoir public s’érige en instrument de spoliation légale.

Santana reprend l’idée de Frédéric Bastiat selon laquelle l’impôt est un “vol légalisé” et souligne son acuité dans le cas brésilien : une fiscalité lourde, parmi les plus élevées du monde émergent, coexiste avec des services publics inefficaces et discrédités. La justice est saturée par des millions de procédures en attente, la santé publique souffre d’une gestion chaotique, et la sécurité reste marquée par l’insécurité chronique et la corruption des forces de l’ordre. L’État consomme toujours plus de ressources, sans jamais fournir en retour des prestations proportionnelles.

Il insiste aussi sur l’illusion démocratique. Dans un pays où le vote est obligatoire, parler de consentement des citoyens relève, selon lui, d’une fiction. En s’inspirant de Lysander Spooner, Santana affirme que la Constitution de 1988 ne saurait être considérée comme un “contrat social” légitime : une grande partie de la population actuelle n’a jamais consenti à ce texte, puisqu’elle n’était pas née à l’époque de sa promulgation. Même le principe majoritaire ne résout rien : la majorité ne dispose d’aucune autorité morale pour imposer ses choix à la minorité ou à l’individu.

L’apport propre de Santana est de transposer ces critiques de l'État, souvent abstraites, au contexte concret du Brésil. Pour lui, l’État brésilien est un appareil parasitaire qui s’enrichit au détriment de la société productive. Sa bureaucratie génère une inflation normative et réglementaire qui bloque l’initiative privée, tandis que les recettes fiscales alimentent un système de privilèges et de clientélisme. Loin d’incarner le garant de l’ordre ou de l’égalité, il apparaît comme le principal obstacle au dynamisme économique et à la liberté individuelle.

En ce sens, Santana fait de l’expérience brésilienne un laboratoire vivant de la critique libertarienne : tout ce que Locke, Oppenheimer, Bastiat ou Hoppe ont théorisé sur la spoliation légale, la coercition démocratique et l’inefficacité publique se vérifie quotidiennement. Sa contribution n’est donc pas seulement théorique : elle donne une traduction empirique de ces thèses dans un cadre national précis, offrant à la pensée libérale et libertarienne une assise plus concrète.

La privatisation de la nature amazonienne

Adriel Santos Santana aborde la question écologique en partant d’un constat[2]. Au Brésil, malgré des décennies de politiques publiques, la déforestation progresse, les biomes[3] s’appauvrissent et la pollution s’aggrave. Pour lui, cette situation n’est pas le fruit d’un manque d’intervention étatique, mais au contraire la conséquence directe de la gestion publique des ressources naturelles.

Dans sa perspective, la nature, considérée comme “bien commun” ou “patrimoine public”, souffre d’un mal structurel : l’absence de responsabilité individuelle. Lorsqu’une forêt, un fleuve ou une réserve minérale n’a pas de propriétaire clairement identifié, chacun peut les exploiter sans assumer les coûts de leur dégradation. L’État, censé incarner le gardien de ce patrimoine, se montre inefficace : ses agences de contrôle sont bureaucratiques, souvent corrompues et incapables de répondre à l’ampleur des enjeux environnementaux.

L’apport décisif de Santana est de proposer une solution radicale : la privatisation de la nature. Il soutient que seule l’attribution de droits de propriété exclusifs permet de responsabiliser les acteurs et de créer des incitations économiques en faveur de la préservation.

  • Dans une forêt privée, le propriétaire a intérêt à gérer durablement ses ressources, à valoriser le tourisme ou les services environnementaux, car la dégradation diminuerait la valeur de son actif.
  • Une rivière privatisée deviendrait protégée contre la pollution : toute atteinte à sa qualité serait une violation de propriété et exposerait l’auteur à réparation.
  • Les espèces animales et les zones protégées, si elles relevaient de régimes privés (réserves, fermes de conservation), bénéficieraient d’une protection réelle, car liée à la valeur économique de leur maintien.

En plaçant la propriété privée au centre de l’écologie, Santana inverse la logique dominante : il ne s’agit plus de multiplier les normes environnementales mais d’attribuer la responsabilité juridique de la nature à des individus ou organisations capables de l’assumer. Cette approche transforme l’écologie en un enjeu de marché, où la préservation devient une stratégie rationnelle de maximisation des ressources sur le long terme.

Ainsi, Santana enrichit la pensée libérale en lui donnant une traduction écologique. Là où la plupart des courants écologistes défendent l’intervention de l’État comme seul rempart contre la destruction, il affirme que l’État est le problème et non la solution. Son projet est audacieux : faire de l’Amazonie et des autres biomes brésiliens non plus des “terres sans maître”, mais des espaces de responsabilité privée, où la logique de la rareté et de la propriété s’applique pleinement.

Critique de la propriété intellectuelle en tant que monopole artificiel

Dans sa réflexion sur les droits de propriété, Adriel Santos Santana s’attaque à un domaine que beaucoup de libéraux laissent encore intact : la propriété intellectuelle (PI). Pour lui, les brevets, les droits d’auteur et les marques ne constituent pas une véritable protection de la propriété, mais une fiction juridique créée par l’État afin de conférer des monopoles artificiels.

Son raisonnement repose sur un principe central de sa pensée : seuls les biens rares et tangibles justifient l’existence de droits exclusifs. Une idée, une formule ou une œuvre intellectuelle, en revanche, peuvent être copiées et diffusées à l’infini sans priver leur auteur de leur usage. Dès lors, les droits de propriété intellectuelle ne protègent pas une ressource rare : ils interdisent aux individus d’utiliser leurs propres biens matériels (papier, encre, scanner, ordinateurs, usines) pour reproduire ou transformer une idée.

L’apport spécifique de Santana est d’affirmer que la propriété intellectuelle n’est pas simplement inefficace ou excessive, mais illégitime au regard du droit naturel. En érigeant des barrières légales, elle viole le principe fondamental de la liberté d’usage des ressources et empêche l’innovation de se diffuser librement.

Dans sa vision, l’abolition pure et simple de la propriété intellectuelle produirait plusieurs effets bénéfiques :

  • une accélération de l’innovation, car les créations pourraient être copiées, adaptées et améliorées sans crainte de sanctions ;
  • une réduction des litiges coûteux, qui aujourd’hui profitent principalement aux grandes multinationales disposant de moyens juridiques considérables ;
  • une clarification du droit, recentré sur la protection de la propriété matérielle et sur la responsabilisation des individus.

Au Brésil, Santana souligne que ce système profite surtout aux acteurs dominants du marché mondial et nuit aux entrepreneurs locaux, incapables de soutenir la compétition judiciaire liée aux brevets et aux copyrights. La propriété intellectuelle devient ainsi un instrument de dépendance et d’inégalité, renforçant la position des grandes entreprises étrangères au détriment de l’innovation nationale.

Par cette position, Santana se distingue de nombreux libéraux modérés : il rejoint les penseurs libertariens les plus radicaux (comme Stephan Kinsella) en appelant à une suppression totale de la propriété intellectuelle. Ce choix illustre la cohérence de son système : toute forme de monopole octroyé par l’État, même dans le domaine de la création intellectuelle, est incompatible avec la liberté individuelle et la véritable propriété privée.

En ce sens, son apport est clair : il étend la critique libérale au domaine immatériel et propose une réforme radicale qui transformerait l’innovation en un processus ouvert, concurrentiel et libéré des contraintes artificielles de l’État.

Justice et arbitrage privés

Adriel Santos Santana considère le système judiciaire brésilien comme l’un des exemples les plus frappants de l’inefficacité de l’État[4]. Lourdeur bureaucratique, lenteur extrême des procédures, coûts prohibitifs et privilèges corporatistes en font une institution qui, loin d’assurer la justice, engendre méfiance, insécurité et injustice sociale. Pour lui, cette situation illustre parfaitement la nature parasitaire de l’appareil étatique : il consomme d’énormes ressources, mais ne parvient pas à fournir un service équivalent.

Plutôt que de s’en tenir à une critique abstraite, Santana met en avant une alternative concrète : l’arbitrage privé. Il rappelle que ce mode de règlement des conflits, fondé sur l’accord volontaire des parties, est plus ancien que la justice publique et reste largement pratiqué dans d’autres pays. L’arbitrage repose sur la liberté contractuelle : les individus choisissent leurs arbitres, fixent les règles de la procédure et acceptent d’avance la décision.

L’apport central de Santana est de montrer que l’arbitrage incarne le modèle libertarien appliqué au droit :

  • Sur le plan organisationnel, il introduit de la concurrence dans un domaine monopolisé par l’État. La réputation et l’efficacité remplacent l’autorité imposée.
  • Sur le plan économique, il réduit les coûts et les délais, répondant aux besoins réels des citoyens et des entreprises.
  • Sur le plan juridique, il est déjà reconnu par la loi brésilienne (n° 9.307/1996), ce qui fait de l'arbitrage privé une solution immédiatement applicable, et non une utopie lointaine.

Ainsi, l’arbitrage devient pour Santana plus qu’un simple mécanisme procédural : il est la preuve vivante que la société peut s’organiser sans recourir au monopole judiciaire de l’État. Là où la justice publique brésilienne illustre la lenteur, la contrainte et le gaspillage, l’arbitrage symbolise la rapidité, la liberté et l’efficacité.

Là réside l’apport singulier de Santana : il fait de la justice un terrain expérimental où la critique libérale rencontre une solution pratique. Plutôt que de réformer l’État, il propose de le supplanter progressivement par des alternatives privées, choisies volontairement par les individus. En ce sens, l’arbitrage n’est pas seulement une procédure, mais une incarnation du modèle de la société libertarienne : décentralisée, contractuelle et fondée sur la responsabilité individuelle.

Informations complémentaires

Notes et références

  1. Adriel Santos Santana, 2012, "O Estado contemporâneo: análises e questionamentos" (« L'État contemporain : analyse et questions »). Article publié sur Jusbrasil.com où Santana expose une critique radicale de l’État contemporain, le présentant comme une institution parasitaire, vivant de l’impôt et inefficace dans la gestion des services publics.
  2. Adriel Santos Santana, Tarcísio Magalhães Azevedo, 2012, "A Questão Ambiental pela Ótica dos Direitos de Propriedade" (« La question environnementale du point de vue des droits de propriété »), Estudos Pela Liberdade, Septembre, nº2, pp71-89
  3. Un biome est une grande région écologique définie par son climat, sa végétation dominante et la faune qui l’habite. Chaque biome regroupe plusieurs écosystèmes partageant les mêmes conditions environnementales générales. Exemples mondiaux : la forêt tropicale humide (comme l’Amazonie), la savane, le désert, la taïga (forêts boréales), la toundra, ou encore les grandes prairies américaines. Le Brésil, auquel s’intéresse Adriel Santos Santana, possède plusieurs biomes majeurs : Amazônia, Cerrado, Caatinga, Mata Atlântica, Pantanal, et Pampa. Ces biomes sont essentiels car ils abritent une biodiversité unique, régulent le climat et fournissent des ressources naturelles indispensables (eau, sols fertiles, bois, etc.).
  4. Adriel Santos Santana, 2013, "O Poder Judiciário e a Arbitragem – Uma Abordagem Jurídica e Econômica" (« Le pouvoir judiciaire et l'arbitrage – Une approche juridique et économique »), Version consultable sur Academia.edu. L'auteur y oppose les lourdeurs de l’appareil judiciaire étatique à l’efficacité de solutions privées comme l’arbitrage, appliquant sa critique de l’État au cas du Brésil.

Publications

Liens externes