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Maurice Hauriou

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Maurice Hauriou (1856-1929) était un juriste et un penseur libéral et catholique. Il est connu comme l'un des deux fondateurs de la théorie juridique du service public (l'autre étant Léon Duguit). Sans être un idéologue libéral, on reconnaît dans ses écrits des thèmes importants du libéralisme : l'autonomie de l'individu, la reconnaissance de ses droits et la séparation des pouvoirs politiques. Il est identifié en France comme une synthèse catholique-libérale ou du catholicisme social. Il est porteur d'autres thèmes d'attention comme la conciliation entre le droit positif et le droit naturel, la place accordée à l'individu et le rôle de la puissance publique dans la régulation du social. La pensée du juriste toulousain prend cependant toute sa tenue dans la théorie de l'institution et sur le thème de la subsidiarité.

La théorie de l'institution selon l'idée d'oeuvre

Maurice Hauriou approfondit l'analyse des particularismes statutaires et managériaux des organisations grâce à son approche transverse des catégories du droit et de l'organisation. Il conçoit sa théorie de l'institution de façon différente de celle d'Émile Durkheim et de Léon Duguit. Pour lui, les règles de Droit ne sont pas la volonté subjective de la personne de l'Etat ni plus le produit du milieu social, c'est à dire une règle qui serait acceptée par l'ensemble de la communauté. Car "le milieu social n'a qu'une force d'inertie" qui bloque la créativité des individus et cet élan vital en référence à Henri Bergson.

Il assimile l'institution à une "idée d'oeuvre" différente du but à atteindre ou de la fonction de l'organisation. L'idée en question est une idée directrice. Mais, cette idée, même si elle provient d'un ou de plusieurs individus, a besoin, pour sa mise en réalisation, qu'un pouvoir s'organise en procurant des "organes" aux membres du groupe intéressés par la réalisation de l'idée. Cette "idée de communion" est régulée et se manifeste par des procédures qui lui permettent de passer d'un esprit à un autre. Donc, l'idée d'œuvre a un caractère objectif, et ceci, nous précise Maurice Hauriou, dès le début. "'En réalité, il n'y a pas de créateurs d'idées, il y a seulement des trouveurs. Un trouvère, un poète inspiré rencontre une idée à la façon dont un mineur rencontre un diamant : les idées objectives existent d'avance dans le vaste monde, incorporées aux choses qui nous entourent; dans des moments d'inspiration, nous les trouvons et les débarrassons de leur gangue.'" Maurice Hauriou, 1925[1]. L'institution corporative ou autrement dit, l'organisation institutionnelle, existe précisément comme étant la manifestation de la communion des membres du groupe sur l'idée de l'oeuvre à réaliser et sur les moyens à employer.

Une analyse qui repose sur l'individualisme méthodologique

Maurice Hauriou s'insurge que l'on puisse évoquer la notion de conscience collective en évoquant ces mouvements de communion. Car, "'ce sont les consciences individuelles qui s'émeuvent au contact d'une idée commune et qui par un phénomène d'interpsychologie, ont le sentiment de leur émotion commune. Le centre de ce mouvement c'est l'idée qui se réfracte en des concepts similaires en des milliers de consciences et y provoque des tendances à l'action'"[2].

Il refuse également le modèle purement contractuel de l'association et donc de la constitution. Car, rappelons le, il est en pleine maturité intellectuelle lorsque Waldeck-Rousseau dépose son projet de loi sur les associations, qui aboutira à la loi sur les association du 1er juillet 1901. L'approche contractualiste pourrait faire penser que tous les membres se sont rejoints au même instant pour "signer leur accord" alors que de nombreuses associations naissent de l'initiative d'une ou de quelques personnes. Un public plus large rejoint l'association une fois que les accords sont établis entre des membres au nombre plus restreint. D'où importance du fondateur qui insuffle l'idée première et qui appréhende toutes les difficultés liées pour déclencher l'essor de l'organisation et dépasser le stade de la première personne.

Aucun corps social ne saurait faire émerger une idée. Sans l'action d'un promoteur ou d'un fondateur, aucune idée n'est découverte. L'idée d'oeuvre exprime à la fois l'objectif à atteindre mais aussi les moyens pour l'atteindre. Elle enveloppe autour d'elle les grandes lignes directrices pour mener ce projet d'action. Aussi, le sens de l'engagement d'un membre d'une association est davantage en relation avec l'idée d'oeuvre, c'est à dire sa contribution au projet d'action, que d'un sentiment d'appartenance unitaire et d'agrégation à un collectif[3].

Notes et références

  1. Maurice Hauriou, 1933, Aux sources du droit, le pouvoir, l'ordre et la liberté, Les Cahiers de la nouvelle journée, n°23, 1933, pp89-128. Cité par Gilles Jeannot (2001)
  2. Maurice Hauriou, 1933, Aux sources du droit, le pouvoir, l'ordre et la liberté, Les Cahiers de la nouvelle journée, n°23, 1933, pp89-128. Cité par Gilles Jeannot (2001)
  3. Gilles Jeannot, en 2001, précise que Coluche, en créant les "Restaus du coeur", n'a pas inventé l'idée de pauvreté. Il l'a découverte au sens où elle était présente et objective. Gilles Jeannot explique donc que le succès de cette organisation, en opposition à d'autres formes d'organisations comme les "Dames Patronesses" en perte de vitesse repose effectivement sur la théorie institutionnelle de Maurice Hauriou, de l'idée d'oeuvre des plus pauvres qui participent au projet organisationnel (mise en place des moyens et accompagnement du projet) tout en étant des bénéficiaires ou des presque potentiels bénéficiaires.

Publications

  • 1896, "La science sociale traditionnelle", Librairie de la Société du recueil général des lois et des arrêts, Paris
  • 1899, "Leçons sur le mouvement social", Librairie de la Société du recueil général des lois et des arrêts, Paris
  • 1906, "L'Institution et le droit statutaire", Récueil de Législation de Toulouse, 2e série, Tome 11, pp134-182
  • 1907, "Précis de droit administratif et de droit public", Sirey, Paris, 6e édition
    • 9ème édition en 1919, Sirey, Paris
    • 11ème édition en 1927 pour le premier volume et en 1929 pour le second volume, Sirey, Paris
  • 1910, "Principes de droit public", Librairie de la Société du recueil J.-B. Sirey & du journal du palais, Paris
  • 1912, Les deux réalismes, Récueil de législation de Toulouse, pp1-10
    • Traduit en anglais par Broderick en 1970, "The Two Realisms", pp45-73
  • 1923, "Précis de droit constitutionnel", Recueil Sirey, Paris
    • 2nde édition en 1929, Sirey: Paris
  • 1925, La théorie de l’institution et de la fondation, Cahiers de la Nouvelle Journée, n°4, pp2-45
    • Traduit en anglais par Broderick, en 1970, "The Theory of the Institution and the Foundation: A Study in Social Vitalism", pp93-124
  • 1927, "L'ordre social, la justice et le droit", Revue trimestriel de droit civil, pp795-825
  • 1929, "De la répétition des précédents judiciaires à la règle de droit coutumière", Cahiers de la nouvelle journée, n°15, pp109-115
  • 1933, Aux sources du droit, le pouvoir, l'ordre et la liberté, Cahiers de la Nouvelle journée, n°23, pp89-128
  • 1986, "Aux sources du droit : le pouvoir, l’ordre et la liberté", Centre de philosophie politique et juridique : CAEN

Littérature secondaire

  • 1966, Lucien Sfez, Essai sur la contribution du doyen Hauriou au droit administrative français, LGDJ : Paris
  • 1991, Yann Tanguy, "L'institution dans l'oeuvre de Maurice Hauriou, actualité d'une doctrine", Revue de droit public et de la science politique en France et à l'étranger, 107 (1), février, pp61-79
  • 2005, François Fournie, "Recherches sur la décentralisation dans l'oeuvre de Maurice Hauriou", Paris: L.G.D.J, Tome 245, ISBN 978-2-275-02645-9
  • 2009, Rémi Jardat, « Maurice Hauriou, théoricien de l’institution et inspirateur de la pensée mutualiste », RECMA – Revue internationale de l’économie sociale, mai, n°312, pp70-83, p110