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Propriété
La propriété, dans le sens général, désigne les droits exclusifs d'une personne sur un ensemble de choses (propriété individuelle) ou partagés avec d'autres (propriété commune, copropriété). La propriété désigne également les objets visés par ce droit. Un individu a un droit de propriété sur une chose. Lorsqu'un individu a le droit de jouir d'une chose de manière exclusive, de l'utiliser, de la céder, ou de la détruire, cet individu possède le droit de propriété sur cette chose. Selon le droit romain, le droit de propriété se sépare traditionnellement en trois droits :
- fructus : le droit de recueillir les fruits,
- usus : le droit d'utiliser,
- abusus : le droit de disposer c'est-à-dire de modifier, de céder à un autre ou de détruire en tout ou partie.
La propriété, de même que la liberté dont elle constitue une condition indispensable, est inséparable de la responsabilité. Le propriétaire est responsable de ses propriétés, notamment en cas de dommage sur autrui. Il peut également supporter différentes servitudes légales ou conventionnelles, souvent anodines (comme l'obligation de laisser passer les ondes radios), mais parfois plus contraignantes (droit de passage).
La propriété matérielle est la plus intuitive : elle traduit le fait qu'une chose ne peut généralement servir qu'à une personne à la fois.
En droit français, la propriété est divisée en biens meubles et biens immeubles. En droit anglo-saxon (common law), il y a une distinction à peu près semblable entre biens personnels (personal property) et biens immeubles (real property).
La propriété intellectuelle
La « propriété intellectuelle » est une invention moderne, contestée par les libéraux dans beaucoup de ses aspects, qui désigne un artifice juridique d'appropriation d'une chose immatérielle ; elle permet aux personnes propriétaires d'une licence d'exploitation, d'un brevet, d'un logo ou d'une marque de protéger le produit de leur travail intellectuel, notamment en imposant des droits d'utilisation aux utilisateurs potentiels de leur "propriété".
La propriété naturelle
Jusqu'au XVIIe siècle, l'opinion commune à la plupart des auteurs prélibéraux est que le droit de propriété permet l'allocation la plus juste des ressources. Rares sont ceux qui la présentent comme un droit inhérent à la nature humaine, mais la plupart - tels les membres de l'école de Salamanque à la suite de Thomas d'Aquin - estiment que, tout en ne prescrivant pas d'injonction positive à ce sujet, le Droit naturel autorise la propriété. John Locke formalisera le premier la notion de propriété présentée comme un droit naturel :
« Tout homme possède une propriété sur sa propre personne. À cela personne n'a aucun Droit que lui-même. Le travail de son corps et l'ouvrage de ses mains, nous pouvons dire qu'ils lui appartiennent en propre. Tout ce qu'il tire de l'état où la nature l'avait mis, il y a mêlé son travail et ajouté quelque chose qui lui est propre, ce qui en fait par là même sa propriété. Comme elle a été tirée de la situation commune où la nature l'avait placé, elle a du fait de ce travail quelque chose qui exclut le Droit des autres hommes. En effet, ce travail étant la propriété indiscutable de celui qui l'a exécuté, nul autre que lui ne peut avoir de Droit sur ce qui lui est associé. »
— John Locke, Deuxième traité du gouvernement civil
Le droit de propriété découle de la nécessité pour chacun de survivre et donc de « prendre » (s'approprier) ce qui existe dans la nature pour garantir cette survie. Ensuite c'est le travail qui permet d'évoluer d'une situation de relative pénurie à une situation d'excédent pouvant profiter à d'autres personnes (d'où le commerce), et du même coup légitimer le fait qu'une personne possède tel ou tel bien.
La propriété naturelle ne se limite pas aux seuls biens corporels. Pour les libéraux, la propriété est un phénomène social et non simplement "physique", d'où découlent des comportements. Un droit de propriété permet d'établir quels comportements sont légitimes ou ne le sont pas. Cela peut concerner des biens corporels ou des services. Ce droit de propriété naturelle s'exprime ensuite d'un point de vue juridique (qui peut alors notablement différer du point de vue du droit naturel). Comme l'exprime Hernando de Soto :
« La propriété [juridique] n'est pas un objet matériel qu'on pourrait photographier ou représenter sur une carte. Ce n'est pas une qualité primaire des biens, mais l'expression juridique d'un consensus économiquement significatif à propos des biens. Le droit est l'instrument qui fixe et matérialise le capital (...). La propriété n'est pas formée des biens eux-mêmes, mais d'un consensus entre citoyens sur la manière de les détenir, de les utiliser et de les échanger. »
— Hernando de Soto, Le Mystère du Capital
Cependant, la propriété naturelle, pour les libéraux, ne peut sous peine d'arbitraire être subordonnée ni se résumer à la propriété juridique, qui ne voit la propriété que comme le droit qu'à chaque citoyen de jouir et de disposer de la portion de biens qui lui est garantie par la loi, car la loi peut aussi être un instrument de spoliation
Proudhon, les anarcho-individualistes et certains collectivistes ont défini une possession distincte de la propriété (le droit) et de la possession au sens légal (le fait). Il s'agit de la propriété privée de tout ce qui n'est pas moyen de production (par exemple, des objets personnels). Pour les libéraux et les libertariens, cette distinction est factice, elle n'est destinée qu'à évacuer la notion d'entreprise, vue comme un lieu d'oppression.
La propriété comme convention sociale
Pour Rousseau, la propriété n'est qu'une convention sociale car « l’État est maître de tous les biens » de ses membres en vertu du contrat social, et « le droit de chaque particulier à son propre fonds est subordonné au droit que la communauté a sur tout ».
De même Benjamin Constant affirme que « la propriété n'est point antérieure à la société, car sans l'association qui lui donne une garantie, elle ne serait que le droit du premier occupant, en d'autres mots, le droit de la force » :
- La propriété n'est autre chose qu'une convention sociale ; mais de ce que nous la reconnaissons pour telle, il ne s'ensuit pas que nous l'envisagions comme moins sacrée, moins inviolable, moins nécessaire, que les écrivains qui adoptent un autre système.
- La propriété, en sa qualité de convention sociale, est de la compétence et sous la juridiction de la société. (Principes de politique, Chapitre XV : De l’inviolabilité des propriétés)
Cependant pour lui une société avancée ne peut exister sans propriété privée, condition indispensable à la division du travail. Son apologie de la propriété est en fait utilitariste et non jusnaturaliste. Il montre tous les inconvénients des attaques portées à la propriété, notamment le fait qu'une atteinte à la propriété conduit à une atteinte à la liberté.
Les libertariens font remarquer que les seules justifications à la propriété définie comme "convention sociale" reposent en dernier lieu sur la loi du plus fort : la propriété n'est une telle convention que parce que la "société" (en réalité le plus fort du moment, que ce soit un état, un dictateur ou même un criminel quelconque) pourrait la confisquer arbitrairement. Pour eux, il n'y a aucun fondement à spolier autrui d'une propriété honnêtement acquise (c'est-à-dire acquise sans agression à l'égard d'autrui) ; un tel arbitraire mène à une violence institutionnalisée et finalement à la destruction de la vie en société.
Ayn Rand persifle le concept de propriété comme convention sociale par la bouche de l'un de ses personnages :
- Le droit de propriété est parfaitement irrationnel. On ne possède quelque chose que tant qu'on ne vous le prend pas. Or le peuple peut vous le prendre à tout moment. Et s'il le peut, pourquoi s'en priverait-il ? (La Grève, p. 145)
Propriété de soi-même
L'État est l'ennemi de la propriété
L'État, loin d'en être le garant, est le premier ennemi de la propriété, soit qu'il la confisque à son profit, soit qu'il la détruise :
- Impôts, taxes, contributions forcées ;
- expropriation sous prétexte d'intérêt général ;
- dilapidation des deniers publics, corruption, concussion, prévarication, détournements ;
- règlementations sur des lieux "publics", en réalité privés (et ouverts à un grand nombre de personnes), bafouant les droits du propriétaire
- instauration de monopoles de droit qui font payer le prix fort au consommateur forcé ;
- l'inflation permet à l'État, qui dispose de l'arme de la création monétaire, de ne pas rembourser ses dettes ;
- les guerres menées par l'État sont l'occasion de destructions des biens privés, de réquisitions, de rafles sur les biens et les richesses de l'ennemi (les musées publics français en témoignent encore abondamment).
L'idéologie étatique détruit également le concept de droit de propriété de plusieurs façons :
- en laissant entendre que toute propriété appartient in fine à l'État (par exemple, la notion de "cadeau fiscal" pour désigner une baisse d'impôt : ne pas prendre par la force reviendrait à faire un cadeau) ;
- en laissant entendre que tout droit de propriété n'est qu'une concession de l'État, ou de la nation, ou du peuple, qui peut être reprise à tout instant. Ayn Rand exprime ce point de vue par la bouche de l'un de ses personnages : "Le droit de propriété est parfaitement irrationnel. On ne possède quelque chose que tant qu'on ne vous le prend pas. Or le peuple peut vous le prendre à tout moment. Et s'il le peut, pourquoi s'en priverait-il ?" (La Grève, p. 145) ;
- les interventions étatiques constantes, théorisées de multiples façons (théorie des biens publics, théorie des externalités...) sont prétextes à destruction de propriété.
Max Stirner rappelle la propriété résulte en réalité, de façon plus ou moins visible, de la loi du plus fort :
« La force seule décide de la propriété ; l'État (que ce soit l'État des bourgeois, des gueux ou tout uniment des hommes) étant seul fort, est aussi seul propriétaire ; Moi, l'Unique, je n'ai rien, je ne suis qu'un métayer sur les terres de l'État, je suis un vassal, et par suite un serviteur. Sous la domination de l'État, aucune propriété n'est à Moi. (...) Dire que l'État ne retire pas arbitrairement à l'individu ce que l'individu tient de l'État revient simplement à dire que l'État ne se vole pas lui-même. Celui qui est un « Moi d'État », c'est-à-dire un bon citoyen ou un bon sujet, jouit de son fief en toute sécurité, mais il en jouit comme moi d'État et non comme Moi propre, comme individu. »
De même, le prix Nobel d'économie Douglass North présente les Droits de propriété privée comme des droits qui sont accordés par l'État afin d'accroître ses revenus. Les gouvernements et les fonctionnaires conçoivent des droits de propriété pour soutenir leur intérêt.
Aussi, certains économistes soutiennent que les Droits de propriété privée doivent être mis en place en raison de l'inefficacité du marché et de l'existence des coûts de transaction. Ces mêmes économistes (Harold Demsetz [1], Bruce D. Johnsen[2], Steven Cheung[3], Terry L. Anderson et Peter J. Hill[4] et John R. Umbeck[5]) promeuvent "la construction" d'institutions du marché afin de faire émerger les droits de propriété. Ils accordent donc aux différents gouvernements et fonctionnaires le droit de concevoir et d'utiliser des droits de propriété qui vont servir leurs propres intérêts.
En fait, les droits de propriété existent en dehors de la reconnaissance par l'État. S'ils ne peuvent pas émerger, c'est parce que ce même État n'y a pas intérêt.
« L'existence d'un droit des sociétés et d'un droit des affaires donne l'illusion que les formes institutionnelles conçues pour organiser la production dépendent d'abord et avant tout de choix législatifs. Dans l'optique évolutionniste de la théorie des droits de propriété, les codes législatifs ne sont eux-mêmes que des produits dérivés de l'évolution qui reconnaissent, officialisent et sanctionnent davantage des pratiques de fait qui existaient déjà, qu'ils ne sont des constructions rationnelles ex ante. Par exemple, il est clair que les sociétés anonymes n'ont pas attendu la publication des lois sur la société anonyme pour exister. La législation n'a fait qu'entériner des pratiques déjà plus ou moins implicitement codifiées par des coutumes commerciales. A l'origine, la loi a essentiellement joué un rôle de « contrat-type » définissant un cadre qui permet aux contractants de réduire les coûts de transaction impliqués par la rédaction de telles conventions contractuelles. »
— Henri Lepage, Pourquoi la Propriété
Tom Bethell, correspondant à Washington de l'American Spectator, a écrit un livre très intéressant sur les droits de Propriété et l'État de Droit. Selon un plan conséquentialiste, il cite des exemples ou les Droits de propriété ont permis la prospérité et leur absence a conduit à des catastrophes : les colonies de Jamestown et de Plymouth, la communauté de Robert Owen dans l'Indiana, les défenses des éléphants, la forêt amazonienne, la famine en Irlande, l'Union Soviétique et la Chine, les lois de réformes dans les pays du Tiers Monde, la politique d'urbanisation etc.
Comme le signale Armen Alchian, il ne peut y avoir concurrence sans droit de propriété. Et inversement, il ne peut pas y avoir de Droit de propriété sans concurrence sur les possibilités d'enregistrement de ces droits, sur la reconnaissance de ces droits, sur la définition de ces droits, sur la composition de ces droits (package ou composite, addition ou soustraction) et sur la défense de ces droits que tout individu sur terre, propriétaire de lui-même, peut exercer. James A. Sadowsky indique qu'il est primordial pour le politique, l'économiste ou le scientifique de revenir à l'unique être en considération : l'être humain. Toute entité de groupe nous ferait perdre de vue sur quoi repose la notion de propriété. Et, Warren Nutter ajoute qu'il n'existe pas de marchés sans propriété privée.
Les attributs de la propriété
La propriété, issue de l'existence de l'individu, n'a pas l'apparence d'un package scellé. Il s'agit d'un ensemble de Droits qui se rattachent à l'utilisation d'une chose. Toutefois, ces Droits peuvent être
- séparés (nue-propriété et usufruit, par exemple),
- renforcés (la clôture de fer barbelé ou une autre technologie),
- évolutifs (par exemple, la création de Droits en 3D comme le propose Bruce Yandle),
- enregistrés ou non (agence monopolistique ou en concurrence),
- exclusives (nul ne peut enfreindre vos Droits sans votre consentement préalable),
- Tangibles ou non (ex ondes hertzienne)
- de passage (une servitude peut être accordée à autrui, répondant au critère du proviso lockéen et du non enclavement de la propriété sur soi-même)
- négociables (les droits sur l'usage de la chose peuvent, en partie ou en totalité, s'échanger contre d'autres Droits).
Par ailleurs, selon Henri Lepage, le droit de propriété est le substrat majeur du droit libéral. De lui découlent un très grand nombre de droits dérivés (la liberté de produire et de commercer, mais également la liberté de parole, la liberté d'expression, la liberté de la presse, ou encore la liberté d'utiliser ses ressources pour contribuer à la constitution d'associations contractuelles aux objectifs les plus divers), pour autant seulement que ces objectifs ne sont pas en contradiction avec la protection même de ce droit de propriété qui est le fondement de la société.
Propriété publique
La propriété publique, par opposition à la propriété privée, désigne la propriété de l'État, d'une collectivité publique ou d'un établissement public.
Les libertariens considèrent ce type de propriété à la fois comme un mythe et comme un abus. Comme un mythe, parce que cette propriété est justifiée par un autre mythe, celui de l'intérêt général, au nom duquel l'État interdit la privatisation (voir aussi : biens publics, capitalisme d'État). Comme un abus, parce que cette propriété publique, présentée par les étatistes comme une propriété commune, propriété de tous les citoyens, est en réalité la propriété de quelques-uns, le citoyen n'ayant aucun droit sur cette propriété, si ce n'est d'obéir aux lois qui la règlementent, instaurées pour prévenir des « abus » illustrés par la « tragédie des biens communs » : chaque propriétaire d'un bien commun est conduit à exploiter au maximum la ressource commune sans égard pour les autres (« la liberté des biens communs apporte la ruine à tous », Garret Hardin[6]).
« [La propriété publique sert uniquement] à dégager un prestataire de biens et de services dits publics d'une concurrence privée en lui donnant le droit de se servir dans la poche des contribuables pour pallier les inévitables aberrations d'une gestion de type administrative. La propriété publique sert à procéder à une appropriation privative des biens de la collectivité au bénéfice des hommes publics, qu'ils soient hauts fonctionnaires, politiques, managers ou apparatchiks syndicaux. »
— Xavier Prégentil
« Dans la mesure où il a le contrôle d’une ressource naturelle (ou de toute autre chose), un fonctionnaire en a la quasi-propriété. Mais cette quasi-propriété prend fin avec la fin de son mandat. S’il veut en tirer un quelconque avantage, il doit faire feu de tout bois. Ainsi, les fonctionnaires tendront à se presser de tirer chaque avantage de tout ce qu’ils contrôlent, l’épuisant aussi vite que possible (ou pourvu qu’ils arrivent à s'échapper). Les propriétaires privés, parce qu’ils peuvent garder leur propriété autant qu’ils le désirent ou la vendre à tout moment au prix du marché, font d’ordinaire très attention d’en préserver valeur actuelle comme future. Clairement, la meilleure personne possible pour conserver des ressources rares est le propriétaire de ces ressources qui a un intérêt égoïste à protéger son investissement. Le pire gardien de ressources rares est un fonctionnaire - il n’a aucun intérêt à les protéger, mais il est probable qu’il ait un grand intérêt à les piller. »
— Linda et Morris Tannehill, Market for Liberty
Selon Henri Lepage dans Pourquoi la propriété, la propriété publique (de type socialiste ou soviétique) n'est qu'un cas particulier, « où la totalité des droits appartient en théorie à une entité collective — le peuple, mais où les droits de propriété sur les biens de production sont en réalité regroupés de façon exclusive et non transférable dans les mains d'un appareil bureaucratique qui se présente comme l'instrument de la volonté populaire. Cet arrangement institutionnel n'interdit pas la présence de certaines sphères de possession privative (par exemple pour les objets personnels, les meubles particuliers, les automobiles, certains logements). Mais ces propriétés personnelles ne sont qu'une tolérance déléguée et font l'objet de sévères restrictions d'usage, comme par exemple les logements « privés » qui ne peuvent être utilisés à des fins de location payante. Il en va de même dans les autres démocraties populaires, y compris celles qui ont réintroduit une certaine dose d'initiative et d'entreprise privée. Il ne s'agit jamais que de droits délégués qui peuvent à tout moment se trouver remis en cause par les autorités, dépositaires ultimes de l'ensemble des droits de propriété attribués dans la société. »
Les anarcho-capitalistes refusent la notion de propriété publique :
« En tant qu’organisation criminelle dont toutes les ressources et les actifs proviennent du crime d’imposition fiscale, l’État ne peut pas détenir de juste propriété. Ce qui signifie qu’il ne saurait être injuste ni immoral de ne pas payer les impôts de l'État, de s’approprier ce qu’il possède (puisque cela se trouve entre des mains criminelles), de refuser d’obéir à ses ordres ni de rompre un contrat avec lui (puisque la rupture d’un contrat avec une organisation criminelle ne peut être contraire à la justice). Moralement, selon la bonne philosophie politique, "voler" l'État revient à reprendre quelque chose à des criminels, à "recréer un Droit sur" la chose au sens où, au lieu d’approprier une terre vierge, on arrache un bien au domaine criminel de la société - ce qui est sans conteste une bonne action. »
— Murray Rothbard, Éthique de la Liberté, chap.24
« Nous ne pouvons certainement pas dire que la propriété publique appartient au gouvernement, puisque le gouvernement ne peut rien posséder légitimement. Le gouvernement acquiert ses propriétés par la force, en général par l’intermédiaire de la taxation. Un libéral ne peut accepter la légitimité morale de ce genre d’acquisition de propriété, puisque cela implique l’usage de la force (l’extraction d’impôts) sur des gens innocents. Ainsi les prétendus titres de propriété du gouvernement ne sont pas légitimes. »
— Lew Rockwell, "Frontières ouvertes : un réexamen libertarien", 2018
« Quand on vole le gouvernement, le pire qu'il puisse advenir est qu'un certain nombre de coquins et de fainéants auront moins d'argent pour s'amuser qu'auparavant. »
— Henri Louis Mencken
Ils indiquent aussi que la propriété publique est une source infinie de conflits, de "guerre de tous contre tous":
« La propriété publique ne peut que générer des conflits. Supposément, ce qui appartient à l’État appartient à tous. Si nous ne sommes pas d’accord, les conflits deviennent alors inévitables. Si les syndicats veulent manifester dans la rue et que les automobilistes veulent utiliser ces mêmes voies, les deux prétendent en être propriétaires et le conflit est inévitable. Si tout est possession individuelle, il devient parfaitement clair de savoir quelles règles s’appliquent. »
— Hans-Hermann Hoppe
Pour autant, cela ne signifie pas que tout soit permis dans une propriété publique : la violation du droit naturel de propriété que constitue la propriété publique n'autorise personne à s'en prévaloir pour réclamer de faux droits. François Guillaumat explique que pour cette raison il est normal de ne pas tolérer les sans-papiers, le port de la burqa en public, la construction de minarets, d'interdire le nudisme dans les lieux publics, etc.[7]. La propriété publique n'est pas une propriété privée, mais reste cependant une propriété :
« En fait, il existe une différence fondamentale entre les biens non possédés et la propriété publique. Cette dernière est de facto la propriété des contribuables du peuple national. Ils ont financé cette propriété ; ils doivent donc, en fonction du montant des impôts payés par les membres individuels, être considérés comme ses propriétaires légitimes. Ni le clochard, qui n’a vraisemblablement payé aucun impôt, ni tout étranger, qui n’a très certainement payé aucun impôt national, ne peuvent donc être considérés comme ayant un droit quelconque sur la propriété publique. »
— Hans-Hermann Hoppe, Démocratie, le dieu qui a échoué, chap.8
Pour les libertariens, il peut exister des biens communs à tous et non privés, mais ceux-ci sont appropriables librement sans qu'il y ait besoin d'une institution coercitive pour les gérer. Ces biens communs peuvent être matériels (l'air qu'on respire), ou immatériels, par exemple une œuvre ancienne qui ne fait plus l'objet de droits et est donc tombée dans le domaine commun, ou une idée, une invention (la notion de brevet étant rejetée par le libertarianisme). Tout bien sans propriétaire peut être acquis par le premier venu qui le met en valeur (voir la pratique du homesteading aux États-Unis au XIXe siècle).
Droit de propriété et contrat
Le contrat d'achat est une source importante du droit de propriété. La preuve du droit de propriété est le plus souvent une facture d'achat. Une facture d'achat prouve l'existence de la transmission d'un droit de propriété. Une facture d'achat est fréquemment le seul titre de propriété d'une chose possédée par un agent économique. Une reconnaissance de dette est le droit de propriété du bénéficiaire du contrat. Un titre financier est un contrat unilatéral librement cessible. On peut posséder un titre financier. Un titre financier a un propriétaire. On peut être propriétaire d'une action Renault, ou d'une obligation sur l'État, d'un "bon du Trésor", d'un titre financier.
Notes et références
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- ↑ The Formation and Protection of Property Rights among the Southern Kwakiutl Indians, 1986, J. Legal Stud., Vol 15, n°41
- ↑ The Structure of a Contract and the Theory of a Non-exclusive Resource, 1970, J. Law & Econ., Vol 13, n°49
- ↑ The Evolution of Property Rights: A Study of the American West, 1975, J. Law & Econ, Vol 18, n°163
- ↑ Might Makes Rights: A Theory of the Formation and Initial Distribution of Property Rights, 1981, Econ. Inquiry, Vol 19, n°38
- ↑ Garrett Hardin, 1968, "The Tragedy of the Commons", Science, 13 décembre, vol 162, n°3859, pp1243-1248
- ↑ Burqa et espace public : les libertariens ne sont pas des libertaires, Turgot, anciennement accessible à blog.turgot.org/index.php?post%2FGuillaumat-Burqa
Bibliographie
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- 2003, Dean Lueck, "First possession as the basis of property", In: Terry L. Anderson, Fred McChesney, dir., "Property Rights in the Firm", Princeton University Press, Princeton, pp200-226
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- 2009, Karol Boudreaux, Property Rights, In: J. C. Lester, dir., A Beginner's guide tor Liberty, Adam Smith Institute, pp47-55
- 2010, S. Galiani, E. Schargrodsky, "Property rights for the poor: Effects of land titling", Journal of Public Economics, Vol 94, n°9, pp700–729
- 2012, David R. Henderson, How Property Rights Solve Problems, Library of Economics and Liberty. 20 September 2012
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- 2022, Bas van der Vossen, "Property Rights", In: Benjamin Ferguson, Matt Zwolinski, dir., "The Routledge Companion to Libertarianism", London and New York: Routledge, pp120-134
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