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Autorité

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L'autorité vient du latin auctoritas (droit de possession, garantie).

La notion d’auctoritas, essentielle en droit privé et en droit public romains, se rattache, par sa racine, au même groupe que augere (augmenter), augure (celui qui accroît l’autorité d’un acte par l’examen favorable des oiseaux), augustus (celui qui renforce par son charisme celui qui est porteur de l'auctoritas)[1]. L’auctoritas exprime à son tour l'idée d'augmenter l'efficacité d'un acte juridique ou d'un droit. De même le Sénat, grâce à son incomparable prestige, a la vertu d'augmenter la portée de tout acte pour lequel il a donné son accord (son auctoritas). Aucune de ces décisions ne sera prise directement par le Sénat (il n'en a pas le pouvoir). Mais tous ces projets, enrichis de l’auctoritas du Sénat, sont assurés du succès. Aucun acte politiquement significatif n'est mis à exécution par un magistrat sans l'accord (et la délibération) du Sénat. Au point que tout se passe comme si l'inspirateur de la décision était le Sénat, et l'exécutant, le magistrat. Telle est la force de l’auctoritas : sans elle, pas d'action ; devant elle, pas d'inaction.

La notion d'autorité vient d'être définie dans un sens plutôt juridique et social. C'est son caractère nécessaire, voire indispensable à la structure de toute société qui la rend légitime pour le plus grand nombre et qui permet de l'opposer erga omnes (à condition bien sûr, qu'elle soit régulière juridiquement). On ne doit pas oublier, non plus, ce qu'on appelle l’autorité naturelle pouvant se dégager d'une personne (et là encore l'aspect bénéfique est sous-jacent). Il convient de signaler enfin, que la notion de d'autorité a été traitée en philosophie et en sociologie, notamment par Max Weber et Alexandre Kojeve.

Pour Hannah Arendt, l'autorité n'est pas nécessairement un rapport de domination, puisque c'est la capacité d'obtenir l'obéissance « sans recourir à la contrainte par la force ou à la persuasion par arguments » et que « l'autorité implique une obéissance dans laquelle les hommes gardent leur liberté » (« Qu'est-ce que l'autorité ? », La crise de la culture, 1958). Arendt distingue nettement pouvoir et autorité : le pouvoir repose seulement sur la force, tandis que l'autorité est un pouvoir légitime, fondé, auquel on fait confiance. Le pouvoir s'exerce au présent, tandis que l'autorité repose sur un passé : une fondation (ou refondation) ou des fondateurs. L'époque moderne se caractérise par un effondrement de cette autorité, concept pourtant important pour la vie publique.

Dans une perspective libérale, John Locke précise que le pouvoir politique trouve son origine dans le consentement de ceux sur lesquels s'exerce l'autorité ; et qu'il a sa fin dans la garantie du respect des droits naturels de tout homme, qu'il doit arbitrer les conflits et exercer un droit de punir.

Classification des systèmes d'autorité

Max Weber[2] fut le premier à analyser le rôle du leader en proposant une classification objective des systèmes d'autorité :

  • l'autorité charismatique : elle repose sur la soumission d'une personne. Cette domination est fondée sur les caractères extérieurs mais aussi sur le phénomène psychologique du "leadership". C'est un double processus de reconnaissance des qualités réelles et d'idéalisation.
  • l'autorité traditionnelle : elle est fondée sur la croyance et le respect de l'ordre établi. C'est le modèle des monarchies de droit divin. La croyance est la raison de soumission à l'autorité.
  • l'autorité rationnelle légale : on reconnait la capacité de quelqu'un dans un certain domaine et l'on exige des preuves d'efficacité. La compétence est le fondement de l'autorité.

L'autorité dans les organisations

Un certain nombre de chercheurs ont tenté de comprendre le principe d'autorité dans les organisations, particulièrement dans les entreprises, à partir d'études expérimentales relatives à l'obéissance et à l'autorité. Le livre de Stanley Milgram, en 1974 suite à ses études de 1965, en fournit un fameux exemple. Les travaux de Theodore Adorno (1950)[3], aux États-Unis, sur la personnalité autoritaire ont montré, à travers des expériences alarmantes, non seulement que les dirigeants se comportent comme des leaders autoritaires, mais que les gens cèdent facilement leur libre-arbitre face à l'autorité. L'invention de l'échelle F (ou échelle fasciste) par Adorno, après la Seconde Guerre mondiale, fait découvrir comment un personnage comme Adolf Hitler fut en mesure d'exercer un pouvoir et une telle influence autoritaire. L'excès d'autorité devient de l'autoritarisme, qui encourage la soumission et la projection de frustration d'agressivité sur d'autres personnes perçues comme étant plus faibles[4].

Les théoriciens béhavioristes de la firme (James G. March, Herbert Simon) rectifient l'analyse. En effet, ils développent l'argument qu'il est plus facile d'influer sur les prémisses cognitives que d'essayer d'influencer directement les facteurs de motivation. Dans les organisations, les motivations sont le résultat complexe de processus psycho-affectifs et sociaux qui sont moins flexibles que la plasticité des processus cognitifs. Donc, le manager peut influer sur les motivations en agissant sur le cadre organisationnel, en favorisant l'orientation de l'attention des salariés dans certaines directions.

Citations sur l'autorité

  • « L'autorité est la faculté d'entraîner l'assentiment. C'est un acte libre que de suivre une autorité. Dans tout État, il y a une marge d'obéissance, qui n'est obtenue que par l'emploi ou la menace d'emploi de la force : cette marge entame la liberté et manifeste le défaut d'autorité. » (Bertrand de Jouvenel, De la souveraineté)
  • « L'autorité peut être définie comme le droit de commander (right to rule). Ce n'est pas simplement la capacité de commander par la force, ce que tout le monde possède à un certain degré, c'est le droit moral présumé de le faire. (...) Il est essentiel de distinguer un ordre justifié par une situation et un ordre justifié par le statut de celui qui le donne. » (Larken Rose, The most dangerous superstition)
  • « La liberté est un présent du ciel, et chaque individu de la même espèce a le droit d’en jouir aussitôt qu’il jouit de la raison. [...] Toute autre autorité [que la puissance paternelle] vient d’une autre origine que de la nature. Qu’on examine bien, et on la fera toujours remonter à l’une de ces deux sources : ou la force et la violence de celui qui s’en est emparé, ou le consentement de ceux qui s’y sont soumis par un contrat fait ou supposé entre eux, et celui à qui ils ont déféré l’autorité. » (Denis Diderot)
  • « Le libertarisme cherche à remplacer l'autorité par des lois (systèmes légaux, tribunaux). Les sciences dures (maths, physique) obéissent à des lois. Les disciplines bidons ("bullshit disciplines" : psychologie, histoire, sociologie) obéissent à une autorité. » (Nassim Nicholas Taleb, Twitter, 10 février 2018)
  • « Nous autres libertariens partageons (...) un minimum de croyances, notamment celle de substituer l'état de droit à la règle de l'autorité. Nous croyons aux systèmes complexes. Le libertarianisme étant un mouvement, il peut encore exister sous la forme de factions dissidentes au sein d'autres partis politiques. » (Nassim Nicholas Taleb, Jouer sa peau, 2017)
  • « Une foi aveugle en l'autorité est la pire ennemie de la vérité. » (Albert Einstein)

Notes et références

  1. Cette étymologie est contestée par certains linguistes. Par exemple, Émile Benveniste (Vocabulaire des institutions indo-européennes, 1969) rappelle que le sens primitif de augere est « donner naissance à, faire surgir pour la première fois ». Un auctor est donc un fondateur, qui crée quelque chose de nouveau, et assure également sa croissance. C'est une prérogative quasiment divine.
  2. Max WEBER, Le métier et la vocation d’homme politique (extrait)
  3. * T. W. Adorno, 1950, The Authoritarian Personality, New York: Harper
  4. * 1964, T. Adorno, E. Frenkel-Brunswik, J. Levinson, R. N. Sanford, "The Authoritarian Personality", John Wiley & Sons, New York

Bibliographie

  • 1950, T. W. Adorno, Elise Frenkel-Brunswik, D. J. Levinson, R. N. Sanford, "The authoritarian personality", New York
  • 1954, Robert Bierstedt, "The Problem of Authority"
    • Repris en 1964, In: Morroe Berger et al., dir., "Freedom and Control in Modern Society", New York: Octagon Books, pp67-81
  • 1956, Reinhard Bendix, "Work and Authority in Industry: Ideologies of Management in the Course of Industrialization", New York: Wiley
    • Édition paperback en 1963, Harper
  • 1958, Bennett E Kline et Norman H. Martin, "Freedom, authority and decentralisation", Harvard Business Review, May-June, Vol 36, n°3, pp69-75
  • 1956, Reinhard Bendlx, Work and authority in industry: ideologies of management in the course of thdustrialization, New York: Wiley
  • 1959, Sebastian de Grazia, "What Authority Is Not", American Political Science Review? Vol 53, pp321-331
  • 1960, Fred I. Greenstein, "The Benevolent Leader: Children's Images of Political Authority", American Political Science Review, Vol 54, pp934-943
  • 1962, Yves R. Simon, "A General Theory of Authority", Notre Dame, Indiana: University of Notre Dame Press
  • 1967, R. S. Peters, "Authority", In: A. Quinton, dir., "Political Philosophy", London, Oxford University Press
  • 1968, Robert L. Peabody, "Authority", In: David L. Sills, dir., "International encyclopedia of the social sciences", Vol 1, London: Macmillan and the Free Press, pp473-477
  • 1972,
    • M. Banton, "Authority", New Society, 22 (512), pp86-88
    • C. J. Friedrich, "Tradition and Authority", London, Macmillan
  • 1976, R. Baine Harris, dir., "Authority: A Philosophical Analysis", Alabama, University of Alabama Press
  • 1980, Edgar Z. Friedenberg, "Deference to Authority: The Case of Canada", White Plains, N.Y.: M. E. Sharpe
  • 1985, R. de George, "The Nature and Limits of Authority", Kansas, University of Kansas Press
  • 1994, Philippe Bernoux, "Systèmes autorité et relations de pouvoir au sein une organisation", In: de Coster et Pichault, dir., "Traité de sociologie du travail", Bruxelles: De Boeck, pp337-354
  • 2002, Wouter Dessein, “Authority and Communication in Organizations”, Review of Economic Studies, Vol 69, n°4. pp811-838


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