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Václav Havel

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Václav Havel (1936-2011) était un homme d'État, intellectuel, poète et dramaturge qui a joué un rôle vital dans la révolution de velours en 1989, lorsque la Tchécoslovaquie vivait sous le régime imposé du communisme et qui était menacée à tout instant d'invasion par les chars soviétiques, en cas de dissidence trop forte. Vaclav Havel est né à Prague le 5 octobre 1936. Son père et son grand-père étaient tous les deux des entrepreneurs très prospères dans l'industrie de la construction. Sa mère était la fille d'un diplomate et travaillait comme artiste visuelle et designer.

L'enfance troublée par l'invasion des troupes soviétiques et l'usurpation du pouvoir communiste

En 1948, Václav était encore un enfant. Cette année là, le Parti communiste de Tchécoslovaquie, avec le soutien de l'Union soviétique, a pris le contrôle inopiné du pays. Très vite l'idéologie anti-capitaliste s'est abattu sur les personnes disposant d'un peu de richesse. Les biens des "bourgeois" furent confisqués par les hommes d'État. En raison du statut de sa famille, Václav Havel et son jeune frère Ivan ont été exclus de toute forme d'enseignement supérieur. Selon la doxa marxiste, ils devaient se conformer au souhait de la société bienveillante et travailler comme de bons prolétaires en exerçant un métier manuel dans une usine nationalisée. Pourtant Václav Havel avait terminé brillamment ses études secondaires en 1954, aidé en cela par ses qualités naturelles d'intelligence et aussi par sa famille très instruite. Lui souhaitait postuler dans des universités proposant des programmes de sciences humaines pour l'aider à développer son intérêt naissant pour le théâtre et le cinéma.

Mais le système communiste était inébranlable avec lui. Il reçut de la part des bureaucrates de l'administration que des refus humiliants. Avec persévérance, il a tout de même réussi à s'inscrire à la Faculté d'économie de l'Université technique de Prague. Mais, l'État était intraitable avec lui car il fut convoqué sur une base militaire afin d'effectuer deux années de service militaire obligatoire. Entre deux corvées, il réussit à extirper des espaces de liberté pour monter une troupe de comédiens parmi les conscrits. Il commença à mettre en scène des pièces subtiles et subversives destinées à élever la conscience idéologique des autres appelés du contingent.

La dramaturgie comme moyen d'entreprendre une activité subversive et critique de la société

Après son service militaire, il est certain que sa passion pour le théâtre va être l'épine dorsale de sa vie. Il tente de s'inscrire à l'Académie des arts du spectacle. Mais, sa demande est rejetée. Il apprendra plus tard que son nom est inscrit sur la liste noire du ministère de l'éducation. Il prend finalement des cours par correspondance. Puis, il trouve du travail tant bien que mal dans les théâtres de Prague, d'abord comme machiniste, puis auteur et plus tard assistant metteur en scène. En 1963, il joue sa première pièce de théâtre intitulée "Garden Party" qui est basée sur l'absurdité du conformisme social instrumenté par la platitude et le mimétisme du langage. Le personnage principal Hugo et les autres intervenants sont contraints de parler d'une manière très idéologique s'ils souhaitent conserver leurs chances de subvenir à leurs besoins et ceux des membres de leur famille. Mais leurs discours, empreints de clichés, sont dépourvus de tout contenu réel. Derrière la pièce, l'auteur vise l'idéologie communiste qui incite tous les citoyens à parler dans une langue officielle et déconnectée de la réalité.

La pièce suivante, intitulée "Le Mémorandum", traite de thèmes similaires. Le protagoniste Gross doit utiliser un nouveau langage synthétique appelé Ptydepe car les bureaucrates ont décidé de créer un monde plus rationnel et moderne. La langue de Ptydepe est la langue officielle du pays mais elle n'est manifestement adaptée à aucun aspect de la vie, sauf pour la satisfaction des fonctionnaires de l'État. Le style absurde met en lumière la faillite morale du régime communiste qui oblige les citoyens non pas à innover et à créer comme dans une société de liberté mais à se conformer jour après jour sans se questionner. Les personnages, confrontés à l'absurdité du système dans lequel ils vivent, post-rationalisent constamment leur comportement en exprimant l'idée que le système a été pensé pour le meilleur pour eux. Leurs compromis moraux les intègrent par inadvertance au système alors que celui-ci les opprime froidement. L'opprimé devient un acteur servile du système qui le fait jouer à la fois le rôle d'oppresseur involontaire et d'opprimé obéissant.

Le printemps de Prague en 1968 sans fleurs au canon des chars soviétiques

En 1968, Alexander Dubček est désigné premier secrétaire du Parti communiste de Tchécoslovaquie. Il souhaita apporter des réformes au pays en apportant une décentralisation partielle dans les décisions économiques et assouplir les restrictions sur les médias, la liberté de parole et la possibilité de voyager hors des frontières. Très vite, le Kremlin a réagi. Le pouvoir soviétique, comme le prévoyait le Pacte de Varsovie, a envoyé ses troupes militaires pour occuper la Tchécoslovaquie. Alexander Dubček fut évincé et le Printemps de Prague n'a duré que quelques jours. Ces évènements ont choqué la population et particulièrement Václav Havel qui fut offusqué par ces machinations politico-militaires et par la dépendance coercitive venant de la puissance soviétique. Au cours de la première semaine de l'invasion des troupes soviétiques, il a résisté. Il est passé à l'antenne sur une station de radio exhortant les gens à refuser cette occupation étrangère. Il demanda aux pouvoirs politiques occidentaux de condamner le non respect de la souveraineté de la Tchécoslovaquie. Ses appels ne furent pas suivis d'écho. Ensuite, il a fait l'objet d'une enquête pour sédition et a été banni du droit d'exercer son métier dans un théâtre. De nombreux artistes et intellectuels ont fui le pays. Il pouvait également voter avec ses pieds puisque ses pièces étaient déjà jouées à New York. Pourtant, il refusa d'abdiquer le droit à sa liberté en estimant qu'il pourrait un jour changer la gouvernance de son pays.

Václav Havel s'est fait remarquer une nouvelle fois auprès du grand public à la fin de l'année 1976 avec la signature de la charte 77. Ce document a recueilli la signature des intellectuels, des artistes et des écrivains tchèques. Il s'agissait d'une initiative civique informelle critiquant l'État pour son non respect des dispositions relatives aux droits de l'homme inscrits dans la constitution de 1960. La charte, co-​écrite par Havel, exigeait la liberté d'expression, de la pratique religieuse, de la vie privée et des droits civils fondamentaux. Elle était ouverte à toutes les personnes de toutes les tendances politiques et convictions religieuses. Les signataires venaient de la droite catholique jusqu'à la gauche trotskyste. Cette alliance inédite de socialistes, de chefs religieux et d'intellectuels aux opinions politiques très diverses s'est réunie, ont signé ce document en s'engagement envers l'État de droit et la vertu civique.

Un renversement du pouvoir communiste comme une caresse sur du velours

Après les émeutes du début de l'année 1989, Václav Havel devient président de la République fédérale tchèque et slovaque le 29 septembre 1989 et occupe cette fonction jusqu'en 1992. Puis, le 26 janvier 1993, il est élu le premier président du pays nouvellement fondé et termine son mandat en 2003. Grâce à lui et à d'autres anciens dissidents, Prague, est redevenue la capitale architecturalement magnifique de la République tchèque. Il a sorti la population de quarante ans de communisme où l'existence fut caractérisée à la fois par la banalité et la simplicité des modes de consommation et par son côté horriblement confiné produit par un système politique oppressant. Beaucoup auraient prôné la violence légitime et la force des armes pour recouvrer la liberté. Le prodige fut réussi sans tirer un seul coup de feu, une véritable victoire en douceur comme une caresse sur du velours.

Aujourd'hui, on se souvient de Václav Havel pour son intégrité morale et sa critique mordante de l'oppression spirituelle inhérente au système communiste. Sa vie et ses écrits sont une leçon de la philosophie : "vivre dans la vérité", thème emprunté à un autre dissident russe, Alexandre Soljenitsyne. Car, Václav Havel était un amoureux de la liberté. Il y a un livre qui marque sa conviction à la lutte contre l'autoritarisme. Il s'agit du "pouvoir des impuissants : les citoyens contre l'État en Europe centrale et en Europe de l'Est".

Informations complémentaires

Publications

  • 1978, "Moc bezmocných"
    • Traduit en anglais par Paul Wilson en 1985, "The Power of the Powerless : Citizens Against the State in Central-Eastern Europe", London: Hutchinson
    • Traduit en français en 1989, "Le Pouvoir des sans-pouvoir", Paris: Calmann-Lévy, collection Essais politiques
  • 1995, "Toward a Civil Society: Selected Speeches and Writings 1990-1994", Prague: Lidové Noviny

Littérature secondaire

  • 1991, Eda Kriseová, "Václav Havel: Životopis", Atlantis
    • Traduction en français en 1991 par Jan Rubeš, "Václav Havel : la biographie autorisée", Éditions de l'Aube, collection « Regards croisés »
    • Traduction en anglais en 1993, "Václav Havel : The Authorized Biography", New York: St. Martin’s Press
  • 1992, Vladimir Tismaneanu, "Reinventing Politics: Eastern Europe from Stalin to Havel", New York; Free Press
  • 1994, Bruno Ronfard, "Václav Havel : la patience de la vérité", Desclée de Brouwer, Collection « Témoins d'humanité »
  • 2003, Geneviève Even-Granboulan, "Václav Havel, président philosophe", Éditions de l'Aube, Essai, Collection « Monde en cours », préface de Paul Ricœur