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L'Animateur des Temps Nouveaux

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De drôles de fascicules au titre intriguant, qui évoque l'ambition d'un prédicateur : « L'Animateur des Temps Nouveaux ». Il suffit d'en feuilleter quelques exemplaires seulement pour tout de suite être accroché par les formules en gras qui découpent la vingtaine de pages de textes de chaque numéro. Voici par exemple, entre mille, quelques titres d'articles percutants que l'on rencontre au fil des sommaires : « le contribuable récalcitrant » (n° 373) ; « La France a trop d'illettrés et trop d'écoles », « ce qu'un industriel paye à l'État », « Vérité à faire comprendre aux parlementaires » (n° 374) ; « Un blâme au Ministre du commerce », « L'État empêche ses acheteurs d'acheter », « Contre la semaine de 40 heures » (n° 375) ; « Bienveillance ou férocité du fisc ? » (n° 377) ; « Le "travail" parlementaire » - à noter, l'usage fréquent des guillemets - (n° 384) ; « Pour la réforme de la comptabilité publique » (n° 389) ; « Quelques "bienfaits" du socialisme », « L'impôt tue l'impôt » (n° 390) ; « Pourquoi nous avons tant de fonctionnaires », « A quand la natation obligatoire ? », « Le fisc et les étrangers » (n° 393) ; « Les fonctionnaires consciencieux » (n° 402) ; …etc. Tout autant révélateurs les thèmes privilégiés des numéros spéciaux, comme par exemple celui du Numéro spécial de septembre 1933 : « La France dépouillée par les monopoles ».

Fondé par Louis Forest en 1926, L'Animateur des Temps Nouveaux est une revue politique, d'une vingtaine de pages illustrées, hebdomadaire - publiée chaque vendredi - qui suivit de près l'actualité de l'entre-deux-guerres, jusqu'en 1933. Il n'est pas nécessaire de s'y plonger complètement pour vite en saisir le ton - celui des doctrinaires de droite du début du siècle, mais qui saura satisfaire l'exigence des esprits libéraux contemporains : certes plutôt réacs, mais républicains convaincus et résolument attachés aux libertés individuelles… peut-être un peu poujadistes sur les bords, défendant le petit commerce avant tout, mais prônant une véritable économie libérale et observant dans toute forme d'échange des avantages mutuels… Défendant la France et les intérêts de la nation, mais déplorant les dérives du protectionnisme et l'orgueil de nos élites… accusant le surnombre de fonctionnaires, les excès de la bureaucratie, l'inflation des lois et des impôts… Louis Forest se rangea du côté des Dreyfusards et publia plusieurs écrits dans ce sens.


La couverture de chaque numéro est une vraie petite œuvre d'art. Y est d'ailleurs inscrit mot pour mot le concept : « Les grandes pensées illustrées ». Une citation d'un grand auteur, parfois suivie d'une autre formule, mis en image par un dessinateur de talent :


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L'ANIMATEUR DES TEMPS NOUVEAUX - Couverture n° 374 (5 mai 1933) : « Ne voyez-vous pas le danger que l'union se fasse contre le Parlement, entre ceux qui n'auront plus rien pour payer et ceux qui n'auront plus rien à toucher ! » - M. Perrigot, Président de la Chambre de Commerce d'Épinal

Le contribuable ne veut plus contribuer (court article publié dans le n° 373)

Il existe à Bourg-en-Bresse un contribuable qui en a assez de contribuer et qui l'a fait voir. C'est M. Messager, artisan recaoutchouteur. Fatigué de voir les dépenses publiques augmenter sans cesse, il paya ses impôts 616frs60 en retenant le 10% soit 61 frs 60. Il déclara qu'il « lâcherait » cette dernière somme lorsque l'État aurait équilibré son budget en donnant d'abord l'exemple en réduisant les traitements des fonctionnaires de 10%. M. Messager attendit. On lui envoya les sommations règlementaires et le 13 mars on lui saisit un vélo et vingt pneus neufs représentants environ une valeur de 600 francs. En attendant d'être « vendu », M. Messager a changé son enseigne. Elle portait auparavant : « Tout pour le pneu » ; aujourd'hui elle indique : « Au contribuable récalcitrant. Tout pour le pneu, rien pour le fisc ».

(Sur le côté gauche de cet article, une photo du magasin avec cette enseigne culottée. Que les activistes libéraux prennent ce cher M. Messager –qui porte bien son nom- en exemple !)


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L'ANIMATEUR DES TEMPS NOUVEAUX - Couverture n° 375 (12 mai 1933) : « La prospérité d'un peuple dépend dépend de la capacité de ses membres et non de leur sujétion à l'action des pouvoirs publics » - Yves GUYOT.

Pour atteindre le même but, l'initiative privée utilise un chemin direct et économique. L'État, lui, fait construire méthodiquement un escalier tortueux et coûteux.


Autour de ses séries d'articles inédits, L'Animateur des Temps Nouveaux a également ses rubriques. Par exemple : « L'oreille de Paris », qui recueille tous les petits potins et anecdotes incroyables de la capitale et des provinces, mais également les petites idées qui pourraient permettre de grandes avancées. Morceaux choisis :

Des bœufs contre le fisc (brève publiée dans la rubrique « L'oreille de Paris », n° 376)

L'impôt exagéré nous ramène au quatre à l'heure. Une petite histoire. Elle nous est signalé par M. Pierre Davesnes, rédacteur en chef du Courrier du Centre, à Limoges, journal de province modèle. Un industriel des environs de Limoges a besoin d'une machine. Cette machine est lourde. Elle pèse dix mille kilos. Il s'adresse alors à des transporteurs de transports lourds. - Impossible, lui réplique-t-on. Depuis les nouveaux impôts sur les gros camions, nous laissons ces pesantes voitures au garage. Pour cette seule sortie, il nous faudrait payer les impositions de tout un trimestre : 1000 francs. Que faire ? L'industriel et le transporteur ont trouvé : la machine sera transportée sur une remorque. Cette remorque sera tirée, non point par des chevaux-vapeur à 1000 francs la sortie, mais par des bœufs, de bons bœufs limousins qui abattent facilement leurs quatre kilomètres à l'heure et qui ne sont pas encore menacés par les foudres fiscales. Que pensez-vous, chers lecteurs, de ce retour aux moyens de transport du Moyen-Age ? Tel est le résultat des budgets publics écrasants et des législatures fiscales que vote notre Parlement. Il nous fera revenir à l'âge des cavernes.


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L'ANIMATEUR DES TEMPS NOUVEAUX - Couverture n° 376 (19 mai 1933) : « Le Droit et le Devoir sont comme les palmiers qui ne portent pas de fruits s'ils ne croissent pas l'un à côté de l'autre » - LAMENNAIS (Ecrivain Français 1782-1854)

Pour la standardisation des formats de papier dans les administrations (brève publiée dans la rubrique « L'oreille de Paris », n° 380)

Tous les services de l'État utilisent le papier « format ministre » de 31x21 cent., le plus souvent pour inscrire 3 lignes au beau milieu de la page. Pourquoi n'utiliseraient-ils pas le simple format commercial de 27x21, employé par toutes les maisons de commerce ? Petite économie ? Qu'on calcule le nombre de millions de lettres envoyées dans une année. Ca doit faire un joli chiffre.


Une victime des Assurances Sociales (brève publiée dans la rubrique « L'oreille de Paris », n° 380)

Dimanche prochain, à 14 heures, aura lieu à Bray-sur-Somme, la vente des biens de M. Salvaudon. Cet agriculteur, père de famille nombreuse, chevalier de la Légion d'Honneur pour faits de guerre, a refusé, se trouvant dans l'impossibilité pécuniaire d'y pourvoir, d'acquitter la part patronale des Assurances sociales pour ses ouvriers. Ceux-ci avaient d'ailleurs refusé de verser personnellement leurs cotisations. Toute la gamme de la procédure a été employée et le point final aura lieu dimanche prochain. Ils seront certainement nombreux ceux qui tiendront, ce jour là, à aller témoigner leur sympathie à M. Salvaudon.


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L'ANIMATEUR DES TEMPS NOUVEAUX - Couverture n° 380 (16 juin 1933) : « Dans notre société française, la politique devient l'emploi des déclassées et des gens de troisième ordre » - Ernst RENAN

Combien sont-ils au Parlement ceux, pour qui la politique est l'unique planche de salut.


Éducation moderne ? (brève publiée dans la rubrique « L'oreille de Paris », n° 389)

Un de nos lecteurs nous signale ce fait pour le moins singulier, ayant pour cadre, une école primaire communale de Paris. Leçon de morale dans une classe d'enfants de 8 à 10 ans. Parole à recopier et à méditer : Un bon citoyen doit payer ses impôts sans murmurer. Evidemment, c'est de bonne guerre ; l'instituteur doit penser que si les citoyens, las d'impôts accrus, négligeaient de les payer, il ne serait pas rémunéré en fin de mois. Mais d'un autre côté, il parait oublier que dans les leçons d'Histoire de France, il doit apprendre aux enfants qu'écrasés par de lourds tributs, les Français firent la Révolution de 1789.


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Couverture n° 393 (15 septembre 1933) : « L'expérience, a dit Benjamin Franklin, est une école très coûteuse, mais les imbéciles n'apprendront jamais à une école meilleure marché »

L'oie saura dorénavant qu'il en coûte quelques plumes de traverser la rivière lorsque tourne la roue du moulin.


Les lois dites sociales contre les ouvriers (« L'oreille de Paris », n° 396)

La Société des Déchets de Reims réservait à son personnel, depuis plus de 60 ans, 30% de ses bénéfices, afin d'alimenter des œuvres sociales multiples et diverses. Lors de sa dernière Assemblée Générale, cette société a fait ressortir que les lois démagogiques (limitation de la durée du travail, Assurances Sociales, allocations familiales obligatoires, etc., etc…) ne lui permettaient plus, à son grand regret, de consacrer aux œuvres sociales une partie de ses bénéfices, en sus des obligations étatistes qui pèsent trop lourdement sur ses frais généraux. Après cet exemple, pris entre mille autres, les électeurs des députés à lois folles pourront méditer sur ce qui convient le mieux à leur bien-être et à leurs intérêts : providence privée ou providence étatiste. Pour la première, ils ne payaient rien et obtenaient satisfaction sans paperasses et sans démarches ; pour la seconde, ils payent et sont accueillis comme des chiens. Les ouvriers réfléchiront sans doute… mais peut-être un peu tard.


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L'ANIMATEUR DES TEMPS NOUVEAUX - Couverture n° 395 (6 octobre 1933) : « Sous les coups de l'adversité, le faible tombe à plat, le timide se met en boule, le vaillant se redresse » - Jean FLEURIER


Parfois, on surprend des échanges qui ont un petit goût surréaliste. Par exemple, le sérieux d'une discussion qui s'étend sur plusieurs numéros à la recherche d'un terme pour désigner « un manuscrit tapé à la machine ». La question est ainsi posée dans le n° 374 :

Comment dire « machinuscrit » ? (dans « L'oreille de Paris », n° 374)

Tout le monde sait ce qu'on appelle un manuscrit. Mais maintenant que beaucoup de manuscrits ne sont plus écrits à la main, quel mot inventer ? Peut-on dire : machinuscrit ? Ca ne serait pas très joli. Peut-on dire : mécanuscrit ? Ca n'est pas plus fameux. Préférez-vous : dactyluscrit ? Est-ce meilleur ? Hum ! Un de nos lecteurs nous signalera-t-il un mot simple, clair, pour exprimer, en bon français, une chose aujourd'hui courante, et pour laquelle on n'a pas encore trouvé un terme adéquat ?

Puis, après plusieurs courriers et numéros (n° 374, n° 391, et enfin n° 393), tentative d'arrêter une réponse :

Nous avons indiqué quelques suggestions de lecteurs pour désigner un document tapé à la machine. A M. de Bertren, nous avons attribué, par erreur, la paternité de « tapecrit » ou « tapescript ». Notre correspondant proteste. Il est partisan de « dactylocopie » ou « dactycopie », mais pense que c'est André Thérive qui a raison avec « copie »… tout simplement. Est-ce définitif ?

(« L'oreille de Paris », n° 393)


Superbe couverture d'un numéro traitant des États-Unis. Les deux tours qui se démarquent évoquent irrésistiblement les twin towers du WTC (pourtant construites une trentaine d'années plus tard)… Quant au « barbare » qui les regarde de l'autre rive, qui est-il ?...


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L'ANIMATEUR DES TEMPS NOUVEAUX - Couverture n° 402 (17 novembre 1933) : « La barbarie est toujours à deux pas, rôdant autour de la civilisation ; dès qu'on lâche pied elle revient » - Talleyrand (Diplomate français 1754-1838)

Demain, que seront les États-Unis ?

La publication de L'Animateur des Temps Nouveaux s'arrête en 1933. Une autre revue prend le relais, dans un esprit similaire mais dont le ton patriotique, nationaliste, réactionnaire et de droite est plus prononcé – ce qui apparaît d'ailleurs clairement dans le titre : « L'Espoir Français ». Une couverture de l'un des premiers numéros de L'Espoir Français, qui reprend le concept des « grandes pensées illustrées », est visible dans la galerie de couvertures.

L'ESPOIR FRANÇAIS - Couverture n°3 (23 février 1934) : « Je ne savais pas bêcher. Je n'osais pas voler. Alors j'ai menti pour plaire à la foule. (Epitaphe d'un politicien) » - Rudyard KIPLING

Galerie de couvertures


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